rougaille saucisse

LES COMMUNAUTES DE PRATIQUE

L’homme en communauté, des origines à aujourd’hui

Si nous remontons au plus loin dans les origines de l’homme, à la préhistoire (4 millions d'années à 4000 avant J.-C.) celui-ci apprenait avec ses semblables ; que ce soit pour chasser, fabriquer des outils ou pour la cueillette et la pêche. A cette époque, le projet à court terme de l'individu et du groupe est de survivre. Homo Erectus doit collaborer (communiquer, coopérer, coordonner) pour chasser le mammouth et s'adapter à son environnement. A ce moment, l'homme vit en communauté. Un certain sens collectif s’exprimait dans l’organisation des travaux agricoles et artisanaux au sein de la communauté "les poteries par leurs formes, leurs décors particuliers, leurs proportions respectives montre une coordination d’efforts communs." "La déforestation et la préparation des champs, comme l’engrangement des récoltes puis la gestion des stocks, étaient accomplis de manière communautaire; les troupeaux d’ovins et de bovins étant de même gérés collectivement." L'organisation économique et spatiale d'une communauté paysanne préhistorique : le groupe de Fontbouisse en Bas-Languedoc. 
Les membres d’une communauté étaient progressivement formés à travers leur participation aux activités du groupe. Leurs interactions avec les membres experimentés les transformaient en membres à part entière, capables à leur tour de former de nouveaux membres.

L’homme a ensuite évolué de la communauté vers la société. Une société d’échange où il a mis en place avec ses paires des rapports marchands, « alors que dans la communauté, [les cercles d’hommes] restent liés en dépit de toute séparation, dans la société, ils sont séparés, en dépit de toute liaison ». Ferdinand Tönnies (1855-1936) : communautés et sociétés. La société s’est déployée surtout dans les villes où se sont vues développées les sciences, la culture, le commerce, l’industrie. Des communautés traditionnelles, dites aussi sociétés traditionnelles et communautaires ont perdurées, loin des grandes villes et avancées technologiques. C’est le début du développement de l’économie industrielle.
Pour le sociologue Max Weber (1864-1920) communalisation et sociation, l’homme en société a un comportement de type intéressé, alors qu’en communauté, il privilégie la dimension affective, émotionnelle et traditionnelle.
De nos jours, il semblerait que les pays du sud, en voix de développement, les communautés de pratiques sont restées très présentes, en revanche dans les pays du nord, développés, il semblerait que les sociétés de plus en plus liberalistes laisse moins la place à ce phénomène.

> L’apprentissage de l’homme en communauté a toujours été présent à travers les âges mais à partir de l’époque moderne, l’apprentissage en communautés se perd au profit de

l’apprentissage individuel. Puis au profit d'un apprentissage scolaire de masse où tout le monde apprend la même chose.

Les économistes et les gestionnaires découpent l'âge industriel en trois étapes
 
- le Taylorisme
- le Fordisme
- le Toyotisme

Une nouvelle ère de l'économie apparait dans les années 90, qu'on nomme l’économie de la connaissance. Ce qui devient le plus important pour les entreprisesest la capacité à inover. Des rapports de l’OCDE montrent que les entreprises les plus performantes sont celles qui parviennent à etre créatives. Aujourd’hui, compte tenu de la mondialisation, nous sommes dans un environnement beaucoup plus compétitif. C'est pourquoi les entreprises se doivent d’être très innovantes, car c’est sur l’innovation qui va faire la différence. Cela est renforcé par la crise écologique qui conduit notamment au développement durable et celui-ci demande beaucoup d’innovations.

Comment les entreprises gèrent ces connaissances?
 

Au XXe siècle, apparait le management des connaissances.

management_des_connaissances_1.jpg

Dans les entreprises, des structures sociales sont apparues comme étant très efficaces pour gérer ces connaissances. Ce sont les communautés de pratique.

 
 
Le concept des communautés de pratique
Comment ça a commencé ?

          Cela a commencé dans les année 80 par le biais de plusisuers chercheurs avec plusieurs chercheurs. Parmi eux: Jean Lave, Etienne Wenger, John Seely Brown, Paul Duguid. Ils travaillaient sur les mêmes sujets: comment on apprend en entreprise? Pourquoi certaines entreprises ont de bons résultats et pas d’autres?

          Julian Orr est le precurseur des communautés de pratiques. En 86 il sort sa thèse, et un livre «talking about machines». C’est une ethnographie sur une communauté de pratique de réparateurs de photocopieurs Xerox. Son travail est d'abord un travail d'observation qui consiste à suivre les réparateurs en essayant de comprendre comment on devient réparateur de photocopieurs alors qu’il il n y a pas d’école pour devenir réparateur chez Xerox. Il observe que la satisfaction de la clientèle n’est pas la même suivant à quel réparateur elle a eu à faire. Pourquoi certains réparateurs ont-ils de meilleurs réultats avec leurs clients que d’autres? En arrivant chez Xerox, ont fait l'acquisition d'un  manuel qui est en quelque sorte la notice d’un photocopieur. Avec l'utilisation de ce manuel, ils se rendent compte que les clients ne sont pas satisfaits. L'objectif final étant la satisfaction de la clientèle, les réparateurs oublient le manuel. Julian Orr observe que les réparateurs se réunissent autour d'un café le matin et échangent des «trucs et astuces» sur la manière dont ils réparent les photocopieurs chez leurs clients. Ils développent ainsi leur propre pratique et non plus celle du manuel qui n'était pas satisfaisante. Une "mise a jour" est en quelque sorte réalisée lorsque arrivent de nouveaux réparateurs dans la société. Xerox s’est rendu compte que le groupe qui se retrouvait tous les matins à la cafétéria avait des taux de satisfaction plus élevés que d’autres réparateurs.

 

schéma, communautés de pratique, Wenger

Schema inspiré de celui de Etienne Wenger, auteur du livre «  La théorie des communautés de pratique » : « apprentissage, sens et identité ».p..., réédité en 2005.

          Les premiers travaux de Lave et Wenger (1991) considéraient le principe de participation périphérique légitime comme le processus central dans les communautés de pratique. Il décrit l'insertion d'un individu au sein d'une communauté établie en se contentant de tâches basiques et de l'observation des autres avant de prendre un rôle plus central dans l'organisation.
 
          Dans des travaux postérieurs, Wenger (1998) abandonne le principe de participation périphérique légitime et la remplace par l'idée inhérente de la tension au sein d'une dualité. En particulier, il met en avant l'importance de la dualité entre participation et réification,  la participation correspondant à l’expérience sociale d’appartenance à une communauté et à l’engagement dans celle-ci, tandis que la réification consiste à transformer une expérience en un objet (étymologie) Ex : texte, schéma, prototype, méthode.... La réification est forcément réductrice mais elle constitue un point d'ancrage collectif indispensable au partage et à la capitalisation des savoirs.
 
          Le point de départ, Wenger met en place une théorie de l'apprentissage. Une théorie sociale de l'apprentissage.
 
          Son point d'entrée : la pratique sociale, où il développe son concept dans l'ouvrage intitulé : «  La théorie des communautés de pratique » : « apprentissage, sens et identité ».
 

I-La pratique et l'identité

La pratique en tant que quête de sens, 3 concepts fondamentaux :

1- la négociation de sens : processus par lequel nous expérimentons le monde et nous nous y engageons de manière significative. sans oublier la notion de productivisme et de dynamisme. Phénomènes de répétitions en groupe crées l'expérience. Relations sociales sont des vecteurs de négociation. Conclusion d'un accord entre deux personnes, processus fécond. Processus historique, dynamique, contextuel et unique. Processus continu de négociation.
 

« Le sens n'existe ni dans l'individu, ni dans le monde mais bien dans la relation dynamique qui caractérise la vie dans le monde. » Wenger. (2005, « La théorie des communautés de pratique » : « apprentissage, sens et identité »)

2 - la participation : A la fois une action et une connexion.  L'expérience sociale de vie dans le monde, d'appartenance à des communautés sociales et d'engagement dynamique dans des projets collectifs. A la fois personnelle et sociale. Faire, parler, penser, ressentir et appartenir.  Individu dans sa totalité : corps, esprit, émotions et relations. Reconnaissance mutuelle. Identité de participation. Conflictuel et harmonieux, privés et public, compétitifs et coopératifs. La notion de participation permet de saisir le caractère profondément social de notre expérience de vie.  

3 - la réification : Etymologie : « transformer en une chose ». « Simplifier et synthétiser un message et des événements concrets et complexes. Participation : mutualité. Réification : projection. Différence fondamentale. Donner une forme à notre expérience en créant des objets qui la cristallisent en une « chose ». Texte, schéma … Nous donnons une forme à l'interprétation et cette forme est ensuite utilisée pour négocier (le sens). Processus : fabriquer, concevoir, représenter, nommer, codifier, décrire, percevoir, interpréter, utiliser, réutiliser, décoder et remanier. Mobilise une grande partie de notre énergie collective. Dans chaque cas, des aspects de l'expérience humaine et de la pratique sont cristallisés dans des objets permanents. Donne une forme concrète à notre expérience. Attention, les produits de la réification ne sont pas, à proprement parler, de simples objets matériels concrets. Ils représentent plutôt des réflexions sur ces pratiques, des symboles de la portée considérable des significations humaines.

 

II-La pratique comme apprentissage 

          Pour Wenger, la pratique relève du “faire”. Ce concept de pratique inclut à la fois le champ de l’explicite (le langage, les outils, les documents, les symboles, les procédures, les règles que les différentes pratiques rendent explicites), et le registre du tacite (relations implicites, conventions, hypothèses, représentations sur le monde). Il ne juge pas utile d’opposer les dimensions tacites et explicites de la pratique dans la mesure où il considère que les deux aspects sont toujours présents dans toute forme de connaissance. Enfin il n’oppose pas la pratique à la théorie, arguant que nous avons tous des théories et des cadres de compréhension du monde qui orientent notre pratique. Pour autant, même si la pratique produit des théories, elle reste une pratique.
 
          Wenger préfère construire son argumentation sur la dualité participation / réification. Elles sont interdépendantes et en interaction. Ces deux dimensions sont articulées dans une tension dynamique. Wenger insiste sur le fait qu’il serait simplificateur d’assimiler la dualité participation / réification à la distinction habituelle entre les savoirs tacites et explicites. La participation peut être tout à fait explicite, comme le fait de participer à une réunion de travail organisée, de même que la réification peut s’appuyer sur des perceptions tacites, comme le fait de peindre un tableau.

          Mais attention, le pouvoir de réification, à cause de sa concision, représente également un danger. Il peut aussi sembler déconnecté, figé dans un texte qui ne rend pas compte de la richesse de l'expérience vécue et il peut entraîner dans des avenues trompeuses. La réification est toujours incomplète, continue et une source potentielle de richesses et d'erreurs. Attention à son pouvoir d'illusion.
 

III- La pratique comme frontière 

Les organisations ne sont plus seulement considérées sous l’angle des structures formelles, mais comme des « constellations de communautés de pratique ».
 

IV-La pratique en tant que communauté, 3 dimensions 

 

1- l'engagement mutuel : C'est ce qui définit une communauté. Il faut être partie prenante de ce qui importe. L'engagement définit l'appartenance. La pertinence de se soucier de la coordination nécessaire pour accomplir des choses ensemble demeure essentielle. Engagement efficace et productif : diversité et homogénéité. Groupe hétéroclite. Les identités crées sont imbriquées les unes dans les autres mais ne fusionnent pas. Différent de ce qu'appelle Emile Durkheim (sociologue français considéré comme l'un des fondateurs de la sociologie moderne. Durkheim est à l'origine de plusieurs termes qui sont aujourd'hui très connus, comme anomie et conscience collective. (Anomie :-étymologie- absence d'ordre de structure, de loi. Diminution des moyens traditionnels de contrôle) :1893 « la solidarité mécanique », qui est fondé sur la similarité et qu'il associe, dans l'esprit de son époque, à des formes de communautés moins « évoluées ». Autant de différenciation que d'homogénéité. Il semble plus important de savoir donner et recevoir de l'aide que de tenter de répondre à toutes les questions soi-même.
Des relations mutuelles soutenues (qu’elles soient harmonieuses ou conflictuelles). Des manières communes de s’engager à faire des choses ensemble. L’absence de préambules introductifs dans les conversations, comme si les interactions formaient un processus continu dans le temps Savoir ce que les autres savent, ce qu’ils peuvent faire, et comment ils peuvent contribuer à l’action collective Un jargon, des raccourcis dans la communication, des histoires partagées, des plaisanteries internes au groupe. Un discours partagé qui reflète une certaine façon de voir le monde.

2- l'entreprise commune : Processus collectif de négociation qui reflète la complexité de l'engagement mutuel. Responsabilité mutuelle cela comprend entre autres, faire de l'argent, être adulte, s'amuser, devenir expert, bien faire, bien se sentir, ne pas être naïf, avoir bonne mine, vaincre l'ennui, réfléchir sur son avenir, tenir sa place. Intégration d'une certaine dose de marginalité par rapport à l'institution. Une entreprise est conjointe non pas parce que tout le monde pense la même chose ou s'accorde sur tous les points mais bien parce qu'elle est négociée ensemble.

3- le répertoire partagé : Ressources favorables à la négociation de sens. Comprend des routines, des mots, des outils, des procédures, des histoires, des gestes, des symboles, des styles, des actions ou des concepts crées par la communauté. Ce répertoire combine des éléments de réification et de participation. Il permet d'afficher une appartenance et une identité.
Son but est de créer plus d'engagement dans la pratique. Utile pour la négociation de sens, reflète un engagement mutuel passé, demeure fondamentalement ambigu. Le répertoire peut être réinvestis dans de nouvelles situations. L'ambiguïté ne correspond pas à une lacune sur le plan du sens. Il s'agit plutôt d'une condition de négociabilité qui permet la construction de significations. C'est la manière dont le passé demeure à la fois pertinent et significatif. Il constitue aussi une ressource pour la négociation de sens. Les ressources de l'engagement mutuel, cette ambiguïté fondamentale peut nuire à des processus telles la coordination, la communication ou la conception par un besoin constant de réajustement et un caractère imprévisible.
 

Des idées reçues ?!

 
          Les communautés de pratique induisent des rituels, habitudes et histoires partagées. Le fonctionnement des Communautés de pratique n’est en aucun cas idéalisé par EtienneWenger. Des tensions, inévitables entre employés qui interagissent fréquemment, ainsi que des conflits de pouvoir, au sein de la communauté comme dans les relations de celle-ci avec le reste de son environnement, apparaissent. Le concept évolue, certains se revendiquent « Communautés de pratique » alors qu'ils ne le sont pas.

 

Quelques exemples (non musicaux) pour illustrer ce qu'est une communauté de pratique

 

  • Les réparateurs de XEROX

 

Les réparateurs de photocopieuses, p5, Les communautés de pratique sont-elles pertinentes? de Emmanuelle Vaast, https://www.strategie-aims.com/events/conferences/12-xieme-conference-de-l-aims/communications/725-les-communautes-de-pratique-sont-elles-pertinentes/download

https://www.strategie-aims.com/events/conferences/12-xieme-conference-de-l-aims/communications/725-les-communautes-de-pratique-sont-elles-pertinentes/download . p5
 

  • Exemple d'une communauté de pratique des infirmiers, www.tuttis.fr, l'application d'entraide infirmière et infirmiers.

https://www.youtube.com/watch?v=crkwyG8sSSY&feature=youtu.be
 

  • Un exemple de communauté de pratique d'oncologues de MSD connect:
communauté de pratique des oncologues

https://www.msdconnect.fr/services/communaute_de_pratiques_oncologie/

 

  • Un exemple de communauté de pratique, chez les kinésitérapeutes :

Groupe facebook appelé "kiné du sport et retour au sport", créé le 29 novembre 2017, 6455 membre à la date du 8 octobre 2019.

                                             

 

  • "Typologie des communautés de pratique existantes" Document officiel de l' INSPQ (institut national de santé publique du Québec), (n=12):

 

Typologie des communautés de pratiques existantes

Pour plus d'informations , https://www.inspq.qc.ca/publications/2351 (publié le 16 février 2018)
 

Les avantages et les intérêts d’apprendre dans une communauté de pratique.

I Dans quel cadre bien apprendre ?

 

Selon Nonaka, scientifique Japonais, le « ba », est le cadre favorable dans lequel on peut exercer un échange de connaissances. Cet endroit où peut se créer les connaissances peut être un repas entre personnes, une réunion. Il existe aussi des « ba » virtuels, médias sociaux, appelés par Nonaka « ba » électronique ou virtuels.

https://youtu.be/hxlWgQdSJpw

Pyramide de Abraham Maslow fait une hiérarchie des besoins dont à besoin un individu pour être motivé à apprendre

https://youtu.be/eQGvehkKtOs

Les communautés de pratique répondent énormément à ce besoin social et primaire qu’à l’homme du besoin d’appartenir à un groupe. Elles premettent aussi un climat de confianceun où il va oser essayer de nouvelles choses en ce disant que les autres vont le guider plutôt que de le juger et le sanctionner. Il va donc pouvoir se transformer, changer sa manière de faire et d’être.

 

II Les différentes formes d'apprentissage

Si elles remplissent les critères qui définissent une communauté de pratique, alors les communautés de pratique favorisent :

 
 l'apprentissage en double boucle :

apprentissage_en_boucle.jpg

 

les quatre phases d'apprentissages définies par Abrahama Maslow  :

IgwVhttps://youtu.be/tuZ0JNg

 

II Un apprentissage par la pratique

Selon Etienne Wenger et Jean Lave, l’école ne se préoccupe pas du sens de l’apprentissage. Il est la plupart du temp d’abord demandé aux élèves d’apprendre la théorie avant la pratique. Les seules connaissances théoriques permettraient de pratiquer sans avoir rien d’autre à apprendre ? Mais les connaissances les plus justes ne demandent elles pas de la créativité quand elles sont introduites dans le monde ?

 

 

Exemples musicaux
  • "Développement d’une communauté de pratique de la composition musicale assistée par ordinateur en milieu scolaire : conception, parcours et modélisation"

Thèse réalisé par Phillippe Galleron et publiée le 4 décembre 2017.

"Cette thèse est l’étude d’une expérience en situation de composition électroacoustique collective sous l’angle du développement d’une communauté de pratique...

https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01651986
 

  • Dans une communauté africaine

https://youtu.be/Y8gUh3SsQXM?t=914

 

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