Vivons les Mots : projet mêlant musique et poésie au collège Maria Casarès

Du 11 au 21 juin 2018, le projet “Vivons les mots” est mené au collège Maria Casarès de Rillieux-la-Pape, établissement classé REP+. Embarqués pour six séances d’une heure et une représentation finale, les dix-huit élèves de la classe de sixième six ainsi que leur professeur de français Jérémy Bertin et les trois intervenants que nous sommes (Anne Godefert, Denis Vercellino et Louise Bouedo) se lancent dans un projet mêlant la musique à la poésie.

Étudiants au CEFEDEM AURA, il nous tenait à coeur de réaliser un projet à destination de scolaires. Dans une perspective professionnelle, l’éducation nationale est le premier partenaire des établissements d’enseignements artistiques. En outre, si la visite d’un établissement scolaire nous permettait de créer un lien avec une structure proche des écoles de musique, cela nous permettait aussi d’aller à la rencontre d’un public qui n’est pourtant pas familier des écoles de musique.
Le projet a trouvé son objectif dans la mise en musique du poème Le temps a laissé son manteau de Charles d’Orléans tiré du recueil Rondeaux (XVème siècle).
 

 

LA PRÉ-ACTION : imaginer un projet, un groupe, et leur rencontre.



Un défi face à l’imperméabilité entre l’école et ses élèves : créer du lien, créer du sens.
Pour élaborer ce projet, nous sommes tout d’abord partis d’hypothèses formulées autour d’enjeux qui nous paraissaient intéressants pour les élèves. Nous sommes partis du constat que l’école (le lieu, les gens, les programmes) est extérieure aux élèves, il y a une forme d’imperméabilité. Aussi le premier enjeu du projet était de partir d’eux, de leur création pour diffuser à l’école et non pas de demander aux élèves de se fondre dans l’école. En somme, nous voulions les rendre acteurs de la structure en investissant un thème du programme et en investissant un lieu du collège pour une restitution. De ce premier enjeu découlait aussi un défi : faire en sorte qu’ils puissent s’exprimer individuellement et collectivement à travers le projet. Le défi d’entendre des identités personnelles (leurs passions propres, leurs langues maternelles, leurs voix) tout en fabriquant un objet ayant une identité de groupe.
Le second enjeu tenait dans le format de l’action car il s’agissait de trouver une façon d’investir un thème du programme, tout en réinventant le métier d’élève : un élève qui est mobile, force de proposition, responsable de la forme et de l’aboutissement de l’objet à créer.
En somme, le grand enjeu de cette action était finalement de définir un complexe ressources/objet à créer qui leur donne un cadre de création à investir d’éléments nouveaux : des éléments à nous et des éléments à eux. Des éléments du programme et des éléments de leurs vies.


Bref, nous voulions créer des rencontres, créer du lien.
 

 
COMMENT MENER UN PROJET AVEC UN GRAND GROUPE SANS ÊTRE DUMISTES ?

Nous ne pouvons pas parler de cette avant-action sans faire part ici des nos appréhensions.

Après une expérience de TAP (en vigueur pendant la semaine de quatre jours) peu satisfaisante pour Denis, nos premières appréhensions se formalisaient finalement autour de la peur de ne pas être formés… pour appréhender un public non averti et classé REP+, … pour gérer un groupe nombreux, … pour cadrer d’éventuels turbulences.
Alors, afin de parer aux mieux à ces inquiétudes ils nous a été nécessaire de réfléchir à notre posture, nos rôles en tant qu’intervenants. En effet, il s’agissait de se sentir tous les trois suffisamment à l’aise pour pouvoir agir, pour pouvoir mener notre action. Il fallait inventer une forme d’action qui soit à la fois une aventure excitante, car inconnue, et rassurante, jalonnées de quelques repères. 
Pour trouver notre manière de faire, nous nous sommes donc mis en face d’évidences : nous ne sommes pas dumistes, nous ne sommes donc pas formés à animer de grands groupes (en l'occurrence une classe de dix-huit élèves), nous n’avons pas de compétences “généralistes” sur la conduite d’un projet pour un grand groupe de non-initiés (manier plusieurs instruments-ressources, concevoir des activités…)
Il nous fallait trouver une manière de profiler l’action en fonction de nos compétences propres. Nous avons donc pensé et construit l’action autour de nos compétences de musicien-enseignants, en utilisant nos spécialités instrumentales (la musique assistée par ordinateur, le cor et la viole de gambe), en privilégiant le travail en groupe restreint (avec des moments de mise en commun). En outre, nous avons pensé cette action en terme de découvertes, mais aussi d’apprentissages visés. En somme, nous l’avons construite en forme d’un projet dans lequel la définition au préalable des ressources permettait de développer des apprentissages vers la réalisation de l’objet visé, à savoir la mise en musique du poème.
D’ici nous semblait donc naître la différence entre le travail d’un dumiste, et l’action que nous avons choisi de mener. En pensant l’action en termes d’apprentissages visés nous profilions l’action en fonction des compétences liées à notre métier de musicien-enseignant. Notons ici qu’en terme d’identité professionnelle, l’enseignant de français et le musicien-enseignant n’ont pas le même métier. Pourtant ils ont la même profession, une profession qui vise à l’éducation des enfants et à la démocratisation du savoir. Aussi, notre qualité de futur musicien-enseignant orientait notre projet dans le même sens qu’un enseignant de français de l’éducation nationale, et consistait à amener les élèves vers des apprentissages référencés, en construisant un projet articulé autour de ces apprentissages. Nous avons donc conçu notre action comme une manière autre de développer des apprentissages liés au programme de français, et en particulier à la poésie. Evidemment, ces apprentissages littéraires se trouvent mêlés à des apprentissages musicaux, cette notion de transdisciplinarité nous paraissait également intéressante dans le cadre d’une salle de classe dans laquelle les savoirs sont encore segmentés.
Une fois notre rôle et notre projet plus clairement délimité, il était alors plus facile de visualiser notre action, de nous y projeter en mettant un premier orteil dans le grand bain qui nous attendait.

 
 

INVENTION D'UNE ACTION MINIATURE POUR TESTER NOTRE DISPOSITIF ET SE PRÉSENTER AU GROUPE.
A partir de ces premières projections dans le projet, s’est alors posée la question de l’amorce du travail : comment débuter un travail de création avec un groupe que l’on ne connaît pas, et qui ne nous connaît pas ?
 
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Nous nous sommes mis à leur place. Nous avons d’abord mené notre action sur nous-même, comme pour tester le dispositif, s’y plonger concrètement, pour de vrai, et en définir mieux les enjeux, les caractéristiques musicales, ainsi que les difficultés éventuelles rencontrées. Nous avons travaillé sur le poème La Nuit de Claude Roy.  En testant notre dispositif, nous nous sommes rendus compte d’une chose essentielle : ce type d’action nécessite un minimum de matériel (a fortiori pour dix-huit élèves !) de diverses sortes (matériel électronique et instruments de musique en tous genres). Il nous fallait donc suffisamment de matériel pour être autonomes et proposer un choix varié aux élèves, mais un matériel raisonnablement volumineux pour pouvoir faciliter les installations de chaque séance et stocker le matériel. Nous avons donc fait une liste de tout ce dont nous avions besoin, notre petit studio ambulant !
 
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La fabrication de cette action miniature, tout en nous permettant de préciser beaucoup de détails, nous donnait finalement une entrée toute trouvée pour le démarrage du projet : nous allions présenter notre mise en musique du poème de Claude Roy.
Se présenter à la classe sous cette forme nous semblait important pour différentes choses. Tout d’abord, nous nous présentions à eux d’abord en tant que musiciens et non en tant qu’enseignants. Ensuite le fait de s’être prêtés au jeu et de leur en faire part en direct permettait quelque part de leur partager le fait que nous nous mouillions dans le projet et ainsi de leur montrer d’une part que c’était réalisable, que nous nous impliquions personnellement avec eux et qu’ils pouvaient projeter leurs imaginaires dans le travail à venir…Tout simplement, nous avons choisi de démarrer le projet en leur donnant quelque chose de nous, quelque chose de personnel afin qu’une forme de confiance se noue entre eux et nous.

 
 

PARTAGER AVEC L'ÉQUIPE PÉDAGOGIQUE DU COLLÈGE POUR ÉVITER UN "RENDEZ-VOUS EN TERRE INCONNUE".
Pour qu’elle se passe bien, l’action devait être préparée en amont, comme nous l’avons vu plus avant. Une préparation à mener entre nous, mais aussi (et surtout) à lier avec l’équipe sur place. Mais il ne s’agissait pas d’un “rendez-vous en terre inconnue”! Les choses se sont mises en place petit à petit et souvent de manière informelle. Une action comme celle-ci peut se construire très simplement, de fil en aiguille. Dans notre cas, l’idée d’intervenir au collège Maria Casarès n’est pas venue de nulle part : le premier fil n’est autre que la connaissance amicale d’un enseignant du collège Maria Casarès. Ce lien a permis très facilement de créer une coopération dans l’élaboration du projet.
Comme nous l’avons esquissé, mener un projet dans un collège nécessite une préparation de deux types : la préparation du contenu de l’action et son insertion dans une structure, autrement dit, la dimension relationnelle. Sur ce point, nous avons misé sur l’instauration d’une collaboration avec le plus d’acteurs possibles. La première collaboration s’est bien sûr mise en place avec Jeremy en s’inscrivant sur les tableaux vu précédemment : le partage des compétences et lien relationnel.
Sur le premier tableau, nous avons voulu rester au plus près des champs de compétences de chacun afin de se sentir à l’aise face aux élèves. Aussi, pour intégrer au mieux notre projet dans le cadre d’un cours de français de 6ème nous avons laissé le soin à Jérémy de nous proposer une sélection de poèmes adaptés au niveau des élèves et qui pouvaient être pertinents au regard d’un travail mêlant poésie et musique. Nous reviendrons plus tard sur les poèmes choisis.
Sur le plan relationnel, mener un projet comme celui-ci peut faire peur si tout le travail humain est à construire. Mais le lien avec Jérémy a donné une porte d’entrée rassurante dans la structure. Rassurante pour les deux parts : pour il s’agissait d’avoir quelqu’un qui puisse nous aiguiller en ayant une connaissance de la structure. De l’autre côté, Jérémy créait un intermédiaire avec l’équipe qui nous donnait une forme de légitimité.

Cette action s’est construite donc en premier lieu grâce à cette collaboration avec Jérémy, en tant que professeur de français mais aussi médiateur.

 
 

UN CONTRAT D'ACTION PASSÉ AVEC LA DIRECTION : FORMALISER, INFORMER ET RASSURER.
Après avoir entamé la réflexion autour du projet avec notre professeur de français, nous nous sommes attelés à formaliser le projet afin d’entamer la première phase de l’action : l’acceptation du projet par la direction.

Pour cela, nous décidons d’écrire un préalable au projet, une sorte de contrat d’action. Bien que notre contact principal allait être celui des élèves, nous faisons le choix d’initier le projet d’une manière assez officielle, voire administrative, en présentant précisément le projet, son organisation et ses enjeux au principal du collège. En somme, nous passions un contrat avec lui et son établissement, délimitant l’action dans un cadre précis.
Communiquer au préalable sur le projet en lui donnant une forme et un fond définis nous semblait être le moyen de gagner la confiance de l’équipe directrice et en cela d’être plus libre dans la réalisation du projet au moment de son démarrage.
Dans les faits, il faut néanmoins noter ici que la présentation de ce contrat de projet au principal, avant même son initiation, l’orientait d’une manière particulière, en effet, nous avons conçu une action cadrée, délimitée dans le temps et surtout avec un objectif de résultat qui était une présentation publique (auquel le principal était invité).
Ce contrat passé avec l’établissement présentait donc un avantage et un inconvénient. L’avantage d’être clair et lisible car cadré et mesuré, donc pris au sérieux par l’équipe de direction et avec une visibilité possible pour l’équipe enseignante (possibilité d’aller voir une représentation à une date fixée au préalable). Mais aussi l’inconvénient de ne pas laisser aux élèves une liberté totale sur leur création (rythme de travail, type de support…). Tout est affaire de compromis...

 
 

Dans le grand bain de l’action la dimension relationnelle est essentielle. 

Une fois le projet présenté et accepté, place au terrain ! À commencer par la salle des profs...

Lundi 11 juin, 11h, première incursion dans la salle des professeurs...d’abord intimidés on reprend finalement un peu d’aise, une fois un café à la main. De petites discussions s’engagent avec les quelques professeurs présents. Puis assez vite, lors de nos visites dans la salle des profs, le projet suscite des interrogations : qu’est-ce que vous faites ? on peut voir ? et même, on nous propose de l’aide ! Paul, professeur d’anglais nous prête sa caméra afin de filmer et photographier des extraits de nos séances (la preuve en image à la fin de cet article!). Encore une fois, Jérémy reste d’une aide précieuse pour quelques questions logistiques : trouver le professeur concerné pour lui emprunter ses élèves au moment de la représentation finale, trouver une personne de l’administration acceptant de nous ouvrir son bureau pour stocker notre matériel entre les séances… Bref vous l’aurez compris : une quantité de détails logistiques se règlent aisément lorsque l’on est épaulé par quelqu’un de la maison… Finalement, beaucoup de choses sont mises en place de manière informelle, assez loin du contrat passé avec le principal.
Et enfin, nous voici arrivés à la dernière dimension relationnelle de notre action, mais bien la plus importante, à savoir notre lien avec les élèves de la classe de sixième. Sur ce point, nous avons décidés très vite de miser sur une interaction d’égal à égal, chacun pouvant partager son idée, nous, comme eux. De plus, le projet tenait beaucoup sur l’investissement des élèves. Aussi, il nous semblait essentiel qu’une confiance mutuelle s’installe afin qu’il s’empare du dispositif. Pour cela, nous avons fait le pari de leur mettre à disposition notre matériel personnel (instruments, micro, ordinateur), comme une part du contrat...à eux alors de remplir l’autre part.
En somme, nous avons pensé toute la dimension relationnelle de l’action sur des bases de collaboration et de confiance, des bases prenant des formes différentes en fonction des interlocuteurs.

 
FAIRE COÏNCIDER RÉFÉRENTIEL D'APPRENTISSAGE ET CONTENU D'ACTION.
Avant de nous plonger dans le coeur de l’action, prenons ici un moment pour revenir rapidement sur la manière dont nous avons abordé le référentiel de l’éducation nationale concernant la poésie en sixième, pour choisir notre matière première poétique.
 

La « célébration du monde » laisse un champ de compréhension assez vaste. Nous l’avons traduit comme un travail du détail, de l’éveil des sens par la poésie (la vue mais aussi l’odorat et l’ouïe) autant de détail qui peuvent se traduire musicalement.
« Manifestant la puissance de la parole poétique » est devenu : manifester la puissance poétique par la musique. En somme, travailler des notions littéraires en utilisant des notions techniques (détailler la forme du poème, ses rimes, la rythmicité des vers…) en les utilisant comme des outils musicaux.
Nous avons regroupés les notions de “découvrir” et “comprendre” dans la notion de création.
Enfin, s’il ne s’agissait pas de “s’interroger sur le statut de ces textes”, il s’agissait en revanche de se les approprier et de les défendre devant un public (leurs camarades et quelques enseignants).
À l’issue de ses considérations et en suivant les suggestions précieuses de Jérémy, nous avions choisis trois poèmes qui nous semblaient pertinents pour la dimension transversale au coeur de notre action. Les deux sur lesquels nous avons effectivement travaillé :  La Nuit de Claude Roy, Le Temps a laissé son manteau de Charles d’Orléans, ainsi qu’un troisième poème dont nous n’avons finalement pas fait usage : Le Buffet d’Arthur Rimbaud.

À nous lire vous ressentirez peut-être à quel point la mise en place d’une action de ce type ne peut être linéaire. La première raison étant que la construction du projet en lui-même naît en même temps que son organisation logistique. D’autre part, il est important de noter que la préparation d’une action met en relation avec différents interlocuteurs, à des moments différents de l’action ou de sa préparation. En somme, les choses se construisent en parallèle, une chose en appelant une autre. Mais pas d’inquiétude, si ce développement en arborescence, et en parallèle peut parfois donner l’impression d’un éparpillement ou d’un joyeux bazar, rien d’anormal, et surtout, les choses finissent par s’imbriquer, se rencontrer.

 


 

 

 

L’ACTION : franchir la porte du collège, et confronter l’imaginaire à la réalité.

 

PREMIÈRE SÉANCE - PRÉSENTATION DU PROJET ET CRÉATION D'UNE BOÎTE À OUTILS.
La première séance a donc débuté par la présentation de notre création autour du poème de Claude Roy. Jouée puis décortiquée, cette création était prétexte à une réaction de la part des élèves sur la construction, les éléments musicaux en présence.

Enregistrement de notre répétition :
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© Jérémy Bertin
 

À travers la construction de notre mise en musique du poème La Nuit, nous avons amené les élèves à lister les différents éléments musicaux entendus afin de les classer dans trois grandes catégories d’interventions musicales que nous avions dessinées en amont : le rythme, le texte et l’ambiance. Ici, nous avons été étonnés par la maturité et la mémoire dont ont fait preuve les élèves. Une fois ces catégories remplies et délimitées, les élèves pouvaient également les enrichir avec des éléments musicaux personnels, liés à leur culture.
 
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DEUXIÈME SÉANCE - DÉCOUVERTE ET TEST DES DIFFÉRENTS OUTILS.
Le but de cette séance était de commencer à les faire pratiquer les trois postes différents pour découvrir tous les outils. Pour cela, nous avons divisé la classe en trois groupes qui ont échangé de poste toutes les dix minutes. Lors du dernier passage, ils ont été invités à faire un premier test d’accompagnement sur la première strophe d’un poème vu en amont en classe : Le Buffet.
 
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© Jérémy Bertin

 
Poste Rythme : petites percussions, carillon, kalimba, ukulélé, viole de gambe
 
© Jérémy Bertin


Poste Ambiance : ordinateur avec trois contrôleurs : APC 40 + deux claviers midi
 
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© Jérémy Bertin



Poste Texte : Micro avec effets : octaver, delay, wah, distortion, flanger
 
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Déroulement de la séance affiché pour les participants

Il nous paraissait important que les élèves puissent pratiquer les trois postes dans leur future création afin qu’ils se sentent investis sur le projet (et ainsi peut-être éviter que certains se sentent délaissés car ils ne peuvent pas aller sur un poste qui les intéresseraient plus qu’un autre). C’est pour cela que nous nous sommes servis de la structure en trois strophes du poème “Le Temps à laissé son Manteau” pour qu’ils puissent effectuer une rotation de poste avant le début de chaque nouvelle strophe.

 
TROISÈME SÉANCE - LE POÈME.
Cette séance était axée autour du poème “Le temps a laissé son manteau”. Nous avons dû modifier le déroulé initialement prévu de celle-ci car elle se passait le jour de l’Aïd el-Fitr et onze élèves sur dix-huit étaient absents.

Les élèves avaient déjà analysé la structure et le sens du poème avec l’enseignant en amont de notre venue. Nous avons donc fait un rapide rappel de cette analyse. Les élèves ont dû ensuite insérer dans le texte les éléments personnels qu’ils souhaitaient ajouter. Au cours de leur analyse, les élèves ont mis en avant la présence d’un refrain dans le poème et ont choisi de partir sur une forme “couplet refrain” du point de vue musical. Nous avons donc travaillé sur la mise en musique de ce refrain à travers différents jeux à la voix, et à travers eux, un des élèves a proposé une mélodie sur les paroles du refrain que les autres élèves ont validé.
Le dernier point abordé au cours de cette séance était la transition entre le refrain et les couplets, afin de permettre les déplacements des groupes d’élèves d’un poste à un autre. Les élèves ont choisi de construire une nappe sonore bouclée et enregistrée, inspirée et improvisée  à partir de quelques mots du poème : les oiseaux, le vent (souffles et sifflements), les gouttes d’argent. Cette boucle leur a permis de naviguer entre les pôles sans couper la musique, tout en restant dans le propos du poème.

Ébauche de la transition : 

 
Improvisations :
 
 
QUATRIÈME SÉANCE - LA STRUCTURE MUSICALE.
Le but de cette séance était de fixer une structure musicale par rapport au texte du poème. Nous avons commencé par faire écouter à l’ensemble du groupe la mélodie et l’ébauche de transition réalisées la séance précédente par le petit groupe d’élèves présents. Puis les élèves ont cherché à déterminer la forme de leur création : ils ont d’abord intégrer leurs différentes langues au sein du texte puis les éléments déjà travaillés (mélodie et nappe/ambiance). Chacun cherchait comment traduire des parties du poème dans sa langue. Nous avons picorés les quelques idées de forme qui sortaient de le nappe de bruit : idées assez pertinentes d’ailleurs !
Nous avons donc noté la structure définie par les élèves au tableau.

Mélodie du refrain :


Transition finale :
 
 

 
CINQUIÈME SÉANCE - TRAVAIL PAR PÔLE.
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Cette séance se déroulant l’après-midi du même jour de la quatrième séance, nous avons décidé de continuer le travail amorcé le matin même en plaçant approfondissant le travail en groupes sur les deux premières strophes (chacun à trouvé une manière de noter des indications sur la photocopie du poème pour se souvenir de leurs rôles) pour finir par un travail commun sur la troisième strophe.
 

SIXIÈME SÉANCE - RÉPÉTITION GÉNÉRALE.
Cette séance a été plus directive que les précédentes, le représentation du lendemain obligeant. Les élèves ont enchaînés plusieurs fois l’ensemble de leur création, et ils ont retravailler la deuxième strophe en grand groupe.
-constat : les parties fonctionnent mais grande inertie entre les éléments : trouver un moyen de faire du lien !
-légers ajouts dans la forme pour fluidifier.
 
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Et voici la vidéo d’une des deux restitutions faites au CDI du collège

 


 

 

LA RÉACTION : reconstruire l’imaginaire à l’issue de l’action.

 

Nous regroupons ici quelques remarques frappantes ainsi les problématiques que cette action a fait émerger.

 
ÉLÈVES ET INTERVENANTS : UN RAPPORT DE CONFIANCE ET D'ÉGAL À ÉGAL.
La réaction des élèves vis-à-vis de ce dispositif était l’élément moteur pour la construction de ce projet. Ainsi nous avons choisi à chaque fin de séance de revenir sur leurs réactions face aux différentes phases de travail.

Dès la première séance, les élèves ont montré un grand intérêt à l’idée de créer de la musique en manipulant les instruments et outils que nous avions apportés. Lors de notre présentation de la mise en musique du poème La Nuit, les élèves sont restés très attentifs. Nous avons été frappés par leur capacité à restituer les différents instruments du morceau ainsi que leur ordre d’apparition. Ils n’ont pas hésité à nous faire part de leur connaissance de certains instruments, et ont été force de propositions pour ajouter leurs éléments personnels à la construction de leur morceau.
 
“Ah oui ça on connaît c’est un looper !”
“On peut utiliser l’auto tune”

 
Les élèves ont rapidement compris que nous nous adressions à eux d’égal à égal. Ils n’avaient pas à nous demander la permission pour s’exprimer, ce qui a donné lieu à des réactions spontanées de leur part lors des différentes séances. Cela nous a permis de recueillir leur réaction à chaud, sans filtre.

 
“Putain c’est trop bien quoi !”


Grâce à ce climat de confiance, les élèves ont su se saisir du projet, et faire leurs propres choix d’interprétation ou de construction du morceau, en respectant les propositions de chacun. Ils respectaient un grand calme lors des moments d’enregistrement des instruments pour les transitions entre les strophes. Ils ont très vite compris l’importance de la dynamique dans leur pièce. Ils ont choisis de répartir les trois grandes catégories (texte, rythme et ambiance) sur les différentes strophes, par un procédé d’accumulation. Ils ont également su créer une réelle écoute et un dialogue musical entre eux. Leur position en tant qu’acteurs du projet leur a permis de mieux s’investir. Ils prenaient des notes d’eux mêmes, afin de ne pas oublier le travail effectué au cours des différentes séances et de gagner du temps sur celle d’après en vue de la présentation finale du projet.

 
L'ENSEIGNANT, PERSONNE RESSOURCE DANS LE DÉROULÉ DE L'ACTION // L'ACTION, DSIPOSITIF RÉ-INSPIRANT POUR L'ENSEIGNANT.
Le rôle de médiateur de Jérémy s’est révélé indispensable à certains moments du travail. Médiateur avec l’ensemble des enseignants du collège (pour la gestion du matériel, et de l’emploi du temps). Mais surtout, ce rôle était essentiel entre nous et les élèves, puisqu’il a pu être tant figure d’autorité (demande de silence, recadrages ponctuels) que personne repère pour les élèves, et professeur ressource pour les questions de français.
Qu’est-ce que ce dispositif a-t-il apporté à Jérémy ? - Un autre regard sur ses élèves.
Comment reçoit-il la réaction de ses élèves vis à vis du projet ? - Un peu énervé lors des dissipations de certains au moment de la présentation finale, Jérémy porte globalement une vision très positive sur leur implication dans le projet et dans les apprentissages (en lien avec le cours de français) que ce projet a pu mettre en place.
D’autre part, en parlant ici d’apprentissages, il semble intéressant de noter que les retombées de cette action ont aussi touché d’autres classes du collège. En effet, la présentation du projet des sixièmes devant quelques autres classes (tous niveaux confondus) laissait place à un temps de discussion pendant lequel des notions littéraires abordés en cours par les autres classes ont pu surgir.
 
“Mais madame, c’est pas un rondeau le poème?” (élève de troisième)


 
ENSEIGNEMENT DE LA MUSIQUE ET ÉTABILSSEMENTS SCOLAIRES : LA MARGE D'ACTION EST VASTE.
Les partenariats entre les établissements d’enseignement de la musique et les établissements scolaires sont maintenant très répandus et très encouragés par les référentiels pédagogiques de l’état. Pourtant nous avons largement constaté à Rillieux l’enclavement culturel des élèves. Un enclavement qui ne se manifeste pas par un éloignement géographique (Rillieux est très proche de Lyon, et est bien desservie). Nous pourrions davantage parler d’une barrière invisible, culturelle et sociale.
Ce projet a entraîné un investissement de la part de plusieurs professeurs du collège dont Paul, professeur d’anglais qui a utilisé les images et vidéos prises tout au long de cette semaine, afin de créer une Vidéo pour la WebTv du collège, qui montre le travail de découverte réalisé sur le Buffet, ainsi que notre présentation sur la mise en musique de la Nuit.

 
UN PROJET CRÉÉ EN GROUPE ET EN FONCTION DE NOS COMPÉTENCES.
A travers ce projet, nous avons tous les trois pu faire évoluer nos hypothèses sur le travail avec un public non initié dans des établissements d’enseignement général. En effet, nous avons pu constater qu’avec le soutien de l’ensemble de la structure, ainsi que l’aide du professeur de français Jérémy, la création et la mise en place de ce dispositif a été réussi. Notre peu d’expérience face à ce genre de public ne nous a finalement pas desservi, car nous avons pu créer ce projet en fonction de nos compétences et en nous mettant à la place des participants.

D’autre part, le fait de mener cet expérience en trinôme et non de manière individuelle permet, tel un organisme à trois têtes, de compléter nos compétences individuelles et de d’avancer en s’auto-régulant. En effet, nous nous sommes sentis plus rassurés de mener cette action en étant trois intervenants; nos différentes expériences nous ont permis de nous compléter et d’enrichir le dispositif.
Cependant, nous avons pu constater qu’il nous a été compliqué de donner aux élèves une totale liberté sur la création. Sur un nombre de séances aussi restreint, il est difficile pour nous en tant qu’enseignants de laisser le contrôle absolu aux élèves sur le dispositif. Nous sommes amenés à les guider, car nous souhaitions voir le projet aboutir mais cela induit forcément de les priver de certaines prises de décisions.
 
Mener une action à trois, c’est fabriquer un objet minutieusement et collectivement. Diffuser cet objet aux destinataires concernés, c’est être certain qu’il sera transformé, remodelé, et que finalement manié ainsi, il deviendra autre : il sera l’objet d’une autre communauté.

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