Un service de musique à domicile au Pays du Beaujolais

Récits et réflexions autour d'une action menée en milieu rural : quatre musiciens à la rencontre des habitants d'un petit village du Beaujolais

Les prémices
"Il vous faut décider d'une action qui ait du sens pour vous"

Décembre 2020. La présentation du dispositif d’action EAMC réalisée quelques temps plus tôt, c’est le moment tant attendu, de choisir nos groupes !
En plein second confinement, c’est à distance que se déroulera ce moment, comme malheureusement beaucoup d’autres moments par la suite...

L’idée germera dans l’esprit d’Antoine : il propose une action de « musique itinérante » en milieu rural, en s’inspirant du travail des soignants qui vont rencontrer les personnes âgées et isolées directement chez elles. Le but est vraiment d’aller à la rencontre de ces personnes, et de passer un moment privilégié pour elles, avec elles, dans leur environnement.

Sensibilisés au milieu rural, notamment de par nos origines mais aussi de par notre pratique musicale voire sociale (concerts en milieu rural, en établissements pour personnes âgées, travail en milieu associatif...) et à cette idée ambitieuse et originale, c’est ainsi que Marion, Jean-Baptiste et Louis se grefferont au projet : le groupe 5 de la promo 2020 était né !

Débuts de l’action... et premières difficultés
« Aller chez les personnes isolées, directement chez elles ? Ah, ça paraît vraiment compliqué. Mais vous pourriez faire un concert à la maison de retraite du village... »

Février 2021. Antoine et Marion habitant tous les deux en milieu rural, nous décidons de commencer à rechercher des pistes dans ces milieux-là, tout d’abord en contactant des soignants (infirmières à domicile) en Nord-Isère. Mais cette idée ne fonctionnera pas très bien dès le début, les professionnelles nous expliquant que c’est compliqué d’aller chez les gens : les personnes isolées et âgées peuvent être craintives, et cette crainte a encore été renforcée, évidemment, par la pandémie de Covid. Elles nous renvoient plutôt à un temps musical collectif, en institution, qui est quelque chose qui se fait déjà davantage, et qui semble plus facile à mettre en place.

Mais, déterminés à essayer de respecter le but de notre action le plus possible, nous lâchons cette piste, et décidons de nous tourner vers l’autre territoire rural possible du groupe : le Beaujolais, et changeons d’angle d’approche. Nous rédigeons alors un courrier à l’attention des mairies de plusieurs villages alentours du village d’Antoine.

« Un concert chez nos personnes âgées ? Très bonne idée, je vous rappellerai ! »

Juin 2021 arrivera très rapidement, et sans nous apporter de réponses positives ; tout au plus, des réponses « intéressées », mais qui nous renvoient toujours vers d’autres intermédiaires, comme si elles bottaient en touche, ou qui ne nous recontacterons jamais… Nous appelons également directement des adjoints aux services sociaux des communes concernées ; là encore, ces personnes nous renvoient à des temps de concerts collectifs dans les clubs Seniors ou bien les clubs des Aînés, quand ceux-ci n’ont pas fermé à cause de la situation sanitaire…

Il est vrai qu’après six mois de difficultés, nous commençons à nous poser des questions malgré tous nos efforts ; notre projet n’est jamais vraiment compris, nous sommes sans cesse redirigés vers des concerts collectifs, en institutions (maisons de retraites, hôpitaux de jours...) ; les rencontres privilégiées que nous voulions faire, au domicile des personnes, ne semblent attirer personne, voire presque « déranger ». Nous réalisons que c’est un projet qui ne doit pas se réaliser si souvent, et que nous sommes desservis par cette méconnaissance de la part des divers acteurs des territoires ruraux, alors que nous croyons dur comme fer à cette action ayant pour but de mettre en forme une pratique musicale et artistique, pour aller vers une pratique sociale.

Mais nous sommes d’autant plus motivés ; cette recherche finit par s’apparenter à un défi. Pourquoi si peu d’actions de ce type en milieu rural ? Pourquoi aller directement à la rencontre de personnes qui ne pourraient pas forcément accéder à ce genre de pratique artistique, est si compliqué ? Pourquoi n’y a-t-il quasiment rien de mis en place pour ces personnes, en 2021, alors que le droit d’accès à la culture est un droit fondamental ?

Et soudain… le miracle !
« Bonjour, votre mail a retenu toute notre attention et nous vous remercions d’avance pour votre action […]. Si vous le souhaitez, nous pouvons organiser une réunion avec les membres du CCAS afin de vous aider sur la lancement de votre projet. »

Nous sommes déjà fin juin 2021, nous apprêtant à partir en vacances en pensant sérieusement à remanier notre action, quand nous recevons le mail de Grégory Guillarme, adjoint à la mairie de Salles-Arbuissonnas-en-Beaujolais, et responsable du CCAS (Centre Communal d’Action Sociale), dont les rôles sont, entre autres, de promouvoir la vie sociale locale, d’instruire les demandes d’aide sociale, d’animer des actions de prévention sociale. Le CCAS de Salles-Arbuissonnas est, depuis quelques années, indissociable du Conseil Municipal.

A ce moment-là, nous nous sommes tous dit : « celui-là, il ne faut pas le lâcher » ! Le 20 juillet, Antoine ira rencontrer Grégory Guillarme. Il lui redéfinira le cœur de notre projet. Grégory Guillarme lui confirmera que c’est exactement le genre de projet qu’il aimerait voir sur son territoire. Bien conscient des difficultés logistiques et organisationnelles, il se propose même de rencontrer les personnes à notre place avec l’aide des membres du CCAS, et de faire la liste de personnes qui pourraient être intéressées. Pour lui, notre mission doit maintenant être consacrée à nos savoirs-faire, c’est-à-dire, toute la partie musicale et artistique.

Nous partons donc en vacances, le cœur léger, car ENFIN, nous allons pouvoir réaliser notre action, en respectant absolument toutes nos idées de base à savoir, la rencontre privilégiée de personnes isolées sur un territoire rural.
 

Salles-Arbuissonnas en Beaujolais : 800 habitants, entouré de vignes, et un patrimoine extrêmement riche
(Copyright © BENNES Marion, BRESSON Jean-Baptiste, BOURHIS Louis et BEROUJON Antoine)

La préparation de l’action…

30 Septembre 2021 : nous rencontrons tous les quatre les membres du CCAS, qui ont réussi à se libérer, même en pleine période de vendanges ! Ainsi, nous pouvons vraiment leur présenter notre projet.

Nous décidons de scinder notre groupe en deux : des binômes seront moins impressionnants pour se rendre chez les personnes, et nous projetons de voir quatre personnes par jour, sur deux journées entières. En plus du temps musical, nous tenons à avoir un vrai moment de relation avec les personnes et pensons faire des séances d’une heure pour chaque personne.

Les membres du CCAS décident qu’ils iront demander aux personnes potentiellement intéressées lors du portage de repas ; ils choisiront également de mettre une « limite d’âge », pour baliser cette recherche et qu’il n’y ait « pas de jaloux » au sein du village.
 

L'équipe du CCAS de Salles-Arbuissonnas

L'équipe du CCAS de Salles-Arbuissonnas
(Copyright © BENNES Marion, BRESSON Jean-Baptiste, BOURHIS Louis et BEROUJON Antoine)

Nous arrêtons deux dates : les jeudis 18 novembre et 2 décembre. Grégory nous informera une semaine avant des personnes et de leurs envies musicales potentielles, afin que nous ayons le temps de préparer un programme musical adapté.

Malheureusement, ce temps de préparation n’aura pas lieu : nous recevrons la liste deux jours avant la première journée d’action ; ce sera encore pire pour la deuxième journée d’action où la liste n’était même pas complète le jour d’avant. Grégory et les membres du CCAS ont eu du mal, finalement, à réunir des personnes intéressées, plus ou moins pour les mêmes raisons que nous avaient évoquées les infirmières libérales (personnes craintives, qui n’aiment pas forcément recevoir), difficultés augmentées bien entendu, avec la reprise épidémique...

Mais les deux jours d’actions ont pu se faire, et pour nous quatre, ont permis de répondre absolument à toutes nos espérances !

… et le cœur de l’action !

En cette première journée d’action du jeudi 18 novembre, c’est sous un grand soleil que nous nous retrouvons à la mairie de Salles-Arbuissonnas pour un petit moment convivial autour d’un (premier) café, avant d’aller à la rencontre des personnes âgées. Tous les quatre, nous retrouvons Grégory Guillarme, ainsi que Marc-Henry, qui accompagneront chacun un binôme tout au long de la journée.

Nos hôtes et accompagnateurs, Marc-Henry et Grégory, que nous ne remercierons jamais assez pour avoir tout pris en charge et nous avoir offert un accueil chaleureux et inoubliable
(Copyright © BENNES Marion, BRESSON Jean-Baptiste, BOURHIS Louis et BEROUJON Antoine)

Nous prenons donc la route séparément, et après quelques minutes en voiture, chaque binôme arrive à sa destination.

J-B et Louis sont accueillis par la première dame visitée de la matinée, et commencent à discuter avec elle et à déballer leurs instruments, tout en observant l’architecture de la maison. Cette dernière n’est autre qu’un ancien restaurant/bar avec un magnifique comptoir en bois ! Pendant qu’ils commencent à jouer, leur hôtesse leur apporte de quoi se désaltérer : deux verres de jus de pomme. Mais, comme il faut aussi bien désaltérer les « adultes », elle servira Grégory et elle-même de deux verres de vin !

C’est une tout autre ambiance, à ce moment-là, chez le binôme Marion et Antoine. Pleins d’enthousiasme, ils se trouvent devant le portail… qui restera désespérément fermé après plusieurs tentatives de coups de sonnette et de coups de téléphone !

Un peu dépité, le binôme repart vers la maison où ont été accueillis les deux autres collègues, sous les bougonnements de Marc-Henry, ce qui leur permettra au passage d’admirer l’architecture magnifique du bâtiment, au doux son de la Java Bleue dans un arrangement trompette-guitare basse.

A peine le temps de s’installer, que le téléphone sonne : Marion et Antoine n’ont pas été oubliés, la dame s’est juste trompée d’une heure ! Retour à son domicile. Le moment passé avec cette dame très gentille, accueillante et intéressante, à qui nous avons pu prendre le temps de jouer toutes nos partitions, fut vraiment agréable. Nous nous sentions heureux de commencer cette action comme nous l’avions pensée.

« Si vous avez besoin de faire la fête, vous pouvez venir ici avec tous vos copains, vous êtes les bienvenus. »

Adressée à J-B et Louis, cette phrase les a vraiment émus et témoigne du plaisir qu’a pu avoir cette personne a les recevoir. D’ailleurs, au cours des discussions qu’ils ont pu avoir tous les trois, elle leur a parlé de ses difficultés à s’intégrer dans la communauté, et de la solitude qui s’emparait d’elle parfois. L’action prenait alors tout son sens…
 

« Les chansons anglaises ! C’est vraiment nul, on ne comprend rien ! »

Entre café, thé, innombrables parts de gâteaux, les visites se succèdent, dans des maisons aux ambiances et atmosphères différentes, nous obligeant parfois à repenser vraiment l’espace scénique, dans des petites pièces, parfois bien encombrées, parfois sombres… Il faut parfois également repenser les chansons que l’on a préparées, notre bon vieux Johnny "Holliday" ayant parfois davantage de succès que son homologue outre-atlantique, Elvis !
 

Nous nous sommes demandé parfois, si l’on respectait aussi vraiment la finalité de notre action, en allant chez des personnes qui finalement, ne paraissaient pas si isolées que ça, ou encore, lorsque l’équilibre entre musique et discussion n’était pas forcément proportionné : parfois trop de musique… et parfois trop d’échange. Comment objectiver la « réussite » d’une telle action ? Même s’il est certain que toutes les personnes visitées ont été émues, la présence de Grégory et Marc-Henry a été extrêmement importante, que ce soit pour faciliter la discussion avec les habitants ou encore pour pérenniser notre action dans le temps. Le contexte épidémique a également fait prendre du sens à cette action, car finalement, tout le monde s’est retrouvé un peu isolé depuis le printemps 2020, ainsi qu’empêché d'accéder à des pratiques culturelles et artistiques…

Pour nos deux binômes, cette première journée s’est terminée avec des impressions de gentillesse et de générosité, à presque nous faire imaginer que les rôles étaient inversés, et que c’étaient nos visités, qui nous apportaient beaucoup de belles choses ; l’accueil des habitants a été incroyable, surtout parfois de la part de personnes diminuées physiquement à cause de la maladie, mais qui n’en étaient pas moins présentes et agréables. Nous nous retrouvons donc pour un débriefing improvisé et pour échanger nos impressions à la fin de cette journée dont voici quelques extraits :

Antoine
« J’avais un peu d’appréhension, notamment concernant le premier contact avec la personne que l’on était sur le point de rencontrer. Le fait qu’elle ne réponde pas à nos appels depuis le portail ne m’a pas aidé. Je me suis demandé si elle allait bien, ou si elle n’avait plus envie de nous voir, ou encore si elle avait tout simplement entendu la sonnette ? Nous avons alors rejoint Jean-Baptiste et Louis dans la maison où ils étaient, et cela m’a un peu rassuré de voir que de leur côté tout se passait bien ! 
La dame était seule chez elle, très accueillante et chaleureuse. Elle était surtout très désolée que l’on soit restés devant sa porte fermée. Mais cela ne nous a pas empêché de délivrer une petite prestation agréable, entrecoupée par des petites discussions avec notre hôte et notre accompagnateur. »

Marion
« Cette première rencontre, la première pierre de plusieurs belles rencontres par la suite, s’est très bien déroulée et a donné le ton de cette aventure, et pour moi, a également justifié tout le travail réalisé en amont : nous avons vraiment pu échanger avec cette dame. De la musique bien sûr... mais pas que : de sa vie dans le village, de son histoire, ses expériences… Nous avons pu lui jouer tout notre programme, et vraiment prendre le temps avec elle, car c’était la seule visite du matin. Ce ne fut pas le cas de toutes les visites malheureusement, car l’après-midi de cette première journée, nous devions visiter trois personnes, et nous nous sommes faits rattraper par le temps. »

Antoine
« Les échanges ont été très fructueux, et j’ai le souvenir un peu ému que de devoir la quitter était assez dur. En effet, nous étions contraints par le temps et devions rejoindre nos camarades. Notre accompagnateur nous a ainsi invités à poursuivre notre chemin alors que la dame nous avait gentiment proposé de boire un petit apéro, étant donné que midi approchait à grands pas. Elle a paru très déçue de ne pas pouvoir nous offrir un petit quelque chose en contrepartie et cela m’a beaucoup attristé. Je n’avais clairement pas envie de quitter cette maison et j’aurais bien encore échangé quelques instants avec cette dame très gentille. »

Louis
« Le besoin de se confier, de raconter des souvenirs : chaque rencontre s’accompagne d’un moment de présentation d’abord oral, puis musical. Dans bon nombre de situations, les personnes se saisissent de cette occasion pour se confier à nous : certains nous racontent l’histoire de leur maison, leur attachement à leurs racines lointaines, leurs petits-enfants musiciens, ou encore l’histoire du village dans lequel nous nous trouvons !
Dans bon nombre de situations j’aurais souhaité rester sur place, me rendre disponible au-delà des minutes imparties par notre emploi du temps du jour. Cette frustration est assez vite évacuée, mais bien présente lorsque le moment de nous séparer est nécessaire. »

Jean-Baptiste
« Chaque fois que nous avons franchi un seuil de porte, nous entrions dans l’intimité des personnes. Nous étions tout le temps dans le salon, tantôt décoré par des photos de famille, tantôt habillé de grandes bibliothèques. Il y avait l’histoire que nous pouvions voir par la décoration du lieu, mais aussi celle que nous apprenions des personnes que nous visitions. Certaines personnes étaient plus réservées que d’autres, ce qui de temps en temps rendait le dialogue un peu compliqué. Cependant, il nous est arrivé beaucoup de fois d’avoir l’impression d’offrir un bol d’air au foyer dans lequel nous allions. À chaque fois, on découvrait un rapport à la musique différent. Si la musique était dans certains cas un moyen de combler un silence, dans d’autres, elle était l’élément déclencheur de nombreux souvenirs qui donnaient lieu à des conversations très intéressantes. »

Marion
« Cette dynamique d’horaire a eu pour moi quelque chose d’un peu frustrant durant ces deux journées : et à la fois, comment faire autrement ? J’ai ressenti, durant toutes les visites que nous avons faites, sans exception, que les personnes (ainsi que leur entourage quand il y en avait), auraient voulu que nous restions plus longtemps. »

Antoine
« Nous avons pu aller chez une dame qui vit dans le centre du village. Elle était accompagnée de sa fille, venue exprès pour l’occasion afin d’aider sa maman à nous accueillir. Le thé, le café et les petits gâteaux nous attendaient. Nous avons ainsi pu apprendre que le service à café était celui de son mariage et qu’elle était très contente de le ressortir pour nous. Au fur et à mesure des morceaux, elle aussi nous posait des questions sur nos études et parcours. J’ai souvenir que lorsque Marion a dit qu’elle jouait également de l’alto, la dame s’est aussitôt enthousiasmée car une de ses nièces était violoniste professionnelle, et voyageait beaucoup grâce à son métier. La distinction entre violon et alto n’est pas la plus connue des personnes amatrices de musique, et cette dame avait suffisamment de connaissances dans le domaine pour connaître cette distinction. C’était très agréable d’échanger avec cette dame car elle a su nous raconter quelques aventures de sa nièce violoniste. »

« Vous n’avez pas d’autres choses que la Java Bleue ? »

Jeudi 2 décembre, nous voilà repartis pour notre deuxième et dernière journée d’action ! Nous nous sentons prêts à réitérer l’expérience, avec sous le coude, encore de nouvelles partitions, suite à une demande expresse de Marc-Henry, qui a dû supporter quatre ou cinq Java Bleue en une seule journée lors de l’action du 18 novembre…

Nous prenons à nouveau la route vers les maisons du village, ce qui nous permet également de le visiter au plus près et qui rajoutera de la richesse à cette action, le patrimoine de ces villages du Beaujolais étant très riche.

Des maisons… pas tout de suite, en tout cas pour J-B et Louis, la dame qui devait les accueillir s’étant rappelé qu’elle avait, au même moment, son cours de gymnastique. Ni une ni deux, les musiciens sautent sur l’occasion : ils feront la musique en live, du cours de gymnastique Senior du village, et pourront montrer tout leur talent artistique d’accompagnement rythmique ! De même qu’ils pourront également s’initier au lancer de cerceau, une discipline plus complexe qu’il n’y paraît…

Jean-Baptiste :
« L’adaptation comme mot d’ordre : Louis et moi avions une liste de morceaux de variété française à jouer dans les foyers. Cependant, quand nous nous sommes retrouvés au cours de gymnastique senior, la java bleue et les Champs-Elysées n’étaient pas les morceaux les plus adaptés à la situation. L’improvisation a occupé toute la séance. En effet, nous avons pu rythmer toute la séance de gymnastique en imitant musicalement les actions faites par les sportifs. En plus de faire plaisir aux gymnastes, cela nous a permis de nous découvrir musicalement avec Louis et de se rendre compte que malgré nos esthétiques principales différentes (Jazz pour Louis, classique pour moi), nous arrivions à produire quelque chose dont nous étions satisfaits. »

Pendant ce temps-là, Antoine et Marion étaient accueillis par une dame habitant seule. Cette dame adorable, représentera pour nous le cœur de notre action : elle se sent seule et isolée dans le village, n’aime pas sortir toute seule et donc, ne participe pas aux événements organisés par le village. Elle nous parle des problèmes de voisinage qu’elle peut avoir. Ce moment a pu lui faire beaucoup de bien à ce niveau-là, et c’est aussi là que nous réalisons tout le sens qu’il y avait à qu’on se fasse accompagner par Gregory et Marc-Henry, qui font vraiment que ce lien devient durable, après que notre action soit terminée. Marc-Henry lui ayant en effet promis, de retourner la voir, et de la motiver à venir participer aux actions et événements qui se déroulent dans le village.

Entre maisons bourgeoises de maître à l’ambiance particulière, maisons plus modestes accueillant plein d’animaux (qui sont parfois le sujet principal de conversation, et aident beaucoup à créer un premier lien), entre personnes vivant seules ou couples isolés, pièces pleines de voisins, de famille et d’amis, entre musique des Balkans, Beethoven ou les Joe Dassin, les visites à domicile se succèdent, mais ne se ressemblent pas, les atmosphères étant toujours différentes, les échanges aussi : tantôt festifs, tantôt plus dans l’émotion, mais toujours dans le partage, et la richesse des rencontres.

Antoine
« La diversité des maisons visitées. Certaines personnes que nous avons rencontrées habitaient dans des petites maisons aménagées pour les personnes âgées. Ce sont des maisons assez modernes de plain-pied, proche du centre du village pour plus de proximité. Mais cela n’empêche pas le fait que certaines personnes restent isolées. Nous avons notamment pu entendre une dame dire qu’elle n’osait pas venir aux diverses manifestations de la commune car
elle ne connaissait pas beaucoup de personnes, dû au fait qu’elle s’est installée il y 3 ou 4 ans dans le village. D’autres personnes n’avaient pas changé de maison et vivaient dans la même depuis de nombreuses années. Nous avons ainsi été accueillis dans des salons avec des tapisseries un peu ternes, de grandes fenêtres en bois accompagnées de rideaux rouges, un plancher en bois qui craque à chaque pas et même parfois des animaux empaillés ! Nous nous sommes beaucoup amusés lorsque, dans un salon, nous avons pu découvrir une chaîne hi-fi plutôt moderne avec des CDs de groupe tels qu’AC/DC, Led Zeppelin, ou les Stones. Nos hôtes s’en sont également amusés, nous disant que ces CDs appartenaient à leur fils qui avait pratiqué la batterie pendant des années. »

« Ah non, pas d’alcool pour les petits jeunes ! »

Nous sommes toujours accueillis comme des rois chez les habitants, qui se surpassent en gâteaux et boissons (même si Marion et Antoine ont parfois du se contenter de sirop, n’étant apparemment pas assez âgés pour une boisson alcoolisée ! Ce qui n’est pas si mal ceci dit, pour éviter les fausses notes…).

Certaines personnes que nous visitons n’hésitent même pas à nous laisser un petit billet. Nous aurons également l’occasion de jouer pour des anniversaires, ce qui créera beaucoup d’émotions pour les personnes concernées.
 

A la fin de cette journée, nous nous retrouvons pour débriefer… dans la « plus belle salle de réunion de la mairie », qui n’est autre que la Cave de la Mairie, où nous nous retrouvons tous autour d’une bouteille, afin d’échanger sur ces deux journées d’action, qui sont passées très, trop vite.

Louis :
« Des expériences toujours différentes : lorsque j’ai découvert notre emploi du temps, j’ai imaginé cette action comme une succession de visites plus ou moins similaires et homogènes. Il n’en était rien ! Chaque rencontre était complètement unique, avec ses propres aspects musicaux, humains, et sociaux. Nous étions parfois seuls avec les personnes, c’était alors l’occasion de prendre part à un moment privilégié de discussion. À d’autres occasions, nous avons franchi le palier d’une maison et découvert que nos hôtes avaient anticipé notre présence et convié leurs voisins à notre concert… ! »

Marion :
« Oui, c'est vrai ! Toutes les rencontres ne se sont pas déroulées de la même manière : parfois, les personnes visitées nous ont eu pour elles « toutes seules » ! Parfois, elles avaient convié leur entourage (voisins, famille…). J’ai bien aimé le fait que, comme je le disais précédemment, ces petits concerts privés soient une occasion pour se réunir.
Pour moi, toutes les rencontres ont été belles. Plus ou moins touchantes, bien sûr. Parfois, il y a eu des visites plus inconfortables que d’autres. Mais comme nous étions bien entourés, je n’ai jamais ressenti vraiment de malaise.  Et même si, des fois, nous nous sommes sentis un peu « à côté de la plaque », par exemple en termes de choix musicaux, nous avons toujours gardé notre envie de donner, d’apporter quelque chose : une présence, de la joie, une occasion pour ces personnes de partager leur vie, leurs histoires, même des histoires difficiles, même des situations empreintes de solitude. »

Antoine :
« J’aimerais revenir sur l’aspect familial de notre action que tu évoques car nous avons pu constater que dans certaines maisons que nous avons visitées, certaines personnes s’étaient entourées de leur famille afin d’en profiter. Des enfants, des frères, des sœurs, des gendres ou belles-filles, et même parfois les voisins ! Cela m’a beaucoup touché car nous avions en priorité pensé notre action pour des personnes âgées isolées, mais au final notre action a eu une portée plus grande que ce que nous espérions. Ces personnes ont gardé un sentiment de partage fort, et c’est une valeur à laquelle j’accorde énormément d’importance, raison pour laquelle j’ai été si touché par cette action en terre beaujolaise. »

Jean-Baptiste :
« Si chaque maison a une histoire, il m’est arrivé de ressortir d’une maison avec un certain sentiment de tristesse. Dans une maison, nous avons rencontré un couple très intéressant avec une réelle envie de partager son expérience, tant humaine que musical par les rencontres faites durant leur vie. La musique a été un levier pour débloquer la parole et j’ai senti que ce couple voulait parler encore et encore. Je me suis réellement senti au cœur de notre action lorsque nous avons visité cette maison car nous étions chez des personnes isolées. Lorsque nous sommes sortis de chez eux, je regrettais presque de ne pas avoir eu plus de temps afin de pouvoir continuer la discussion qui semblait tant faire plaisir à nos hôtes. »

Louis :
« C'est vrai que la musique peut faciliter la parole. Cette action m’aura incité à prendre conscience du rôle « libérateur » sur la parole que peut avoir la musique. Lors d’une de nos visites chez un couple d’expatriés portugais, j’ai ressenti des moments de malaise et de flottement, probablement liés au fait que les personnes ne maîtrisaient pas très bien la langue française ; nous avons alors décidé de jouer quelques chansons. À peine avions-nous joué les premières mesures que le couple s’est décidé à nous rejoindre en musique, et, nous avons alors découvert avec stupéfaction que la dame connaissait par cœur une grande partie des paroles de nos chansons. »

 

Un pari réussi… et renouvelable

Clairement, nous n’aurions pas réussi à faire cette action sans le soutien de Grégory, de la mairie de Salles-Arbuissonnas et du CCAS tout entier. Ce sont eux qui ont vraiment porté notre projet. De la part des habitants que nous sommes allés voir, le pari semble réussi : tout le monde a été ravi de ce « marathon musical du Beaujolais ».

Cette action nous a convaincus qu’une petite idée pouvait amener vers beaucoup d’imprévus, bons ou mauvais, mais que les histoires ne se créent pas par la simple force des choses, mais par la mise en mouvement de différents acteurs.

Nos compétences artistiques ont une grande valeur sur ce territoire où l’on se rend compte que les gens qui y vivent ont beaucoup de choses à partager (d’ailleurs, il y avait énormément de personnes musiciennes ou ayant de la famille musicienne, ce qui a vraiment facilité le lien et les échanges), et que juste une rencontre « prétextée » par la musique peut amener beaucoup d’autres choses : rupture de l’isolement social, favorisation de l’accès à la culture pour des personnes qui en sont empêchées, création d’une véritable dynamique rurale, culturelle et locale. Mais ces compétences artistiques ne sont rien sans la volonté d’acteurs politiques pour les soutenir.

La question de la pérennité de notre action s’est donc forcément posée : commet perpétuer ce projet ? Il est donc question de faire venir Grégory et Marc-Henry au Cefedem, afin que l’on puisse présenter notre action aux deux promotions, et pourquoi pas, renouveler cette dernière avec d’autres binômes, sur d’autres temporalités, et qui pourraient également s’étendre à d’autres territoires…
 

Article dans le journal municipal

FIN

 

crédits photo bandeau : Christian Dubourg
http://www.loisirs-beaujolais.fr/

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