Véronique, masquée, portant trois ballons colorés, bleu, jaune, rose, dans un carton, devant elle il y a plein d'autres ballons gonflés. Elle est en chemise à fleurs et il y a des grandes fenêtres vertes derrière elle où on voit de la verdure extérieure.

Ateliers musique corps et voix à l'EHPAD Les Alyzées

Pour nous (Elise, Delphine et Camille), notre rentrée en deuxième année d’études au Cefedem AuRA a été surtout marquée par nos interventions à l’EHPAD “Les Alizés” (Groupe ACPPA) à Saint-Priest, 69800, ou nous avons animé des séances “Ateliers Corps et Voix”. Au cours de cinq semaines d’interventions, nous avons amené deux groupes de résident.e.s à expérimenter avec leur corps, les sons, la voix, les gestes musicaux.

Afin de vous faire part de ces expériences, nous avons décidé de vous proposer deux vidéos : un court documentaire dans laquelle une vision immersive de nos quelques semaines passées avec les résident.e.s est présentée, mettant en avant les moments et ambiances vécus, entre deux étages. Dans la deuxième vidéo, nous partageons avec vous les réflexions et questions que nous nous sommes posées, avant, durant et après nos interventions.

Nous souhaitions pouvoir partager ces expériences à la fois sous la forme de réflexions écrites avec nos questionnements d’avant, durant, et après nos interventions.
Nous souhaitions aussi, grâce au format vidéo, proposer une vision plus immersive de nos quelques semaines passées avec les résident.e.s. Ce court documentaire met en avant les moments et ambiances vécus, entre deux étages...

 

 

 
Pourquoi avons-nous eu envie de faire une action en EHPAD ?

Pour notre action EAMC de base, nous nous étions penché.e.s sur des interventions qui porteraient sur la “visibilité” de la communauté LGBTQIA+, notamment en ce qui concerne les personnes transgenres et la dysphorie du genre. Nous nous sommes rapidement rendu compte de la complexité de cette intention, qui nous heurtait à des questions de légitimité, affectives et sociales… Ayant donc constaté que ce projet de départ initial était probablement trop ambitieux, nous nous sommes redirigé.e.s vers des interventions en EHPAD (idée d’Elise) : après les grandes difficultés rencontrées lors des différents confinements et les nombreuses restrictions de visites pour les EHPAD, liées au COVID-19, il nous a semblé que le moment était particulièrement bien choisi pour proposer des interventions musicales à des personnes âgées qui souffraient de l’isolement, encore plus que la plus grande partie de la population. Nous ne venions pas pour réparer, mais plutôt pour restaurer un petit espace de légèreté qui semblait avoir pris la fuite.  

Idée de base et évolution :

Premières pierres : 

Nous avons d’abord imaginé entre nous (Camille, Delphine et Elise) comment pourraient se dérouler nos interventions. Nous nous figurions des séances dans lesquelles se mêleraient temps d’écoute/concert et temps participatifs, mais notre idée restait assez vague, du fait de notre inexpérience dans le travail avec des personnes âgées.

C’est en rencontrant pour la première fois Véronique, chargée des activités culturelles et de l’animation au sein de l’EHPAD “Les Alizés” (Saint Priest, 69290), et la directrice de cette EHPAD, en début juin 2021, que la préparation de nos interventions ont pu commencer à se préciser. Grâce à leurs conseils et leur expérience, nous avons pu être plus clair·es sur les durées et le nombre de nos séances, ainsi que sur les lieux où elles se dérouleraient.

Nous avons également choisi d’intervenir auprès de deux groupes : l’un constitué de personnes de l’unité Alzheimer, situé au 2ème étage, l’autre constitué de personnes résidentes non-atteintes d’Alzheimer, que nous avons renommé affectueusement « les zalzaïs » et « lérez ».. Nos interventions auprès de ces deux groupes n’auraient pas la même durée : 15 minutes pour les zalzai, 40minutes pour lérez.

Véronique, dont la présence à été pour nous très précieuse, à tout de suite souhaité organiser les choses de façon à avoir un temps de discussion en fin de séances, pour faire des bilans de ce qu’il s’y était passé.

Attentes : 

Pour deux d’entre nous (Camille et Delphine), le travail avec les personnes âgées était un véritable terrain inconnu. Dès la proposition de l'atelier, nous avions fait le choix de ne pas viser de spectacle ou de restitution. L'idée était surtout, même de façon temporaire, de proposer aux résident.e.s une activité musicale et corporelle régulière. L’obligation d’un rendu aurait été une contrainte que nous ne souhaitons pas imposer ni  au groupe, ni à nous mêmes ! Ainsi, nous étions plus libres de proposer des activités qui nous semblaient adaptées à notre public que nous apprenions à connaître à chaque séance. Dans une certaine mesure, on pouvait se permettre de naviguer à vue, nous avions aussi la possibilité de rectifier la trajectoire en cours de séance ou d’une séance à l’autre lorsque nous constations que certaines propositions rapportaient plus ou moins d'adhésion. 

C'était certainement un choix judicieux puisque cela nous a laissé la place de rencontrer les personnes et d'être à leur écoute pour nous adapter à leur possibilités, leurs envies et leurs besoins. Rétrospectivement, c'était aussi une façon de faire un pas de côté au regard de la pédagogie de projet que nous pratiquons avec de plus en plus d’aisance après notre formation au Cefedem. Travailler avec ce public soulève de nombreux questionnements sur la limite entre la pédagogie et l'art-thérapie, amène à se demander quels peuvent être les objectifs d'apprentissage dans ce cadre, ou encore s’il faut privilégier les activités qui font du bien ou celles qui enseignent quelque chose. 

Déroulement type des séances :

Ces séances s’enchaînaient habituellement avec les “zalzaïs” en premier et “lérez” en second, et se terminaient toujours par un moment de bilan avec Véronique.

Nota bene : il s’agit ici d’un déroulement type de séance qui se passe bien, sans cafouillage, temps morts, temps de gaffe et de rigolade… Aussi (et particulièrement pour les zalzai), ces séances types sont plutôt basées sur les dernières séances, après une période de tâtonnements…

Chez les zalzai :
Nous les rejoignons au deuxième étage. 
1. Dès notre sortie de l’ascenseur nous jouions de la musique : percussions ensemble, motifs mélodiques simples à la flûte à bec… Nous déambulons dans le couloir jusqu’à rejoindre des résident·es dans le salon de l’étage. 
2. Une fois sur place, nous jouions un morceau sur un mode de « petit concert ». 
3. Ensuite, nous faisions passer des instruments (tambours, baguettes, ballons avec du riz et graines à l’intérieur…) et allions chercher plus directement les personnes, en prenant le temps individuellement avec elles d’approcher/jouer de ces instruments.
4. Nous terminions la séance comme commencée, en repartant en musique vers l’ascenseur.

Avec lérez  :
À noter : les séances avec lérez ont été plus variées en termes de déroulé… 
1. Une fois les personnes placées en cercle et installées confortablement, nous commencions souvent par une écoute musicale sur enceintes, sur laquelle nous faisions un échauffement corporel (étirements, frottements des mains et des jambes, petites rotations de la tête…). La type de musique était très variable, soit des chants lyriques, ou bien de la musique de variété …
2. Nous faisions un échauffement vocal en se basant sur les prénoms : le but du jeu étant de jouer avec les hauteurs de son en disant son prénom, ou la première lettre de son prénom, à tour de rôle.
3. Nous faisions passer des percussions pour faire des jeux divers : du soundpainting facile, jeux de questions et de réponses rythmiques …
4. Nous apprenions et chantions ensemble la chanson « Anne de Bretagne », dont les paroles étaient imprimées et distribuées à toustes.
5. Nous finissions souvent sur un temps d’écoute/concert : solo de violon, chansons accompagnées à la guitare…
6. Nous aidions les personnes à regagner leurs chambres, poussions les fauteuils roulants pour les aider à se déplacer, en continuant à faire un peu de musique.

Exemples de choses qui ont fonctionné… Ou pas :

Les « ou pas » : 
Les premières séances avec les zalzai ont été particulièrement difficiles. En effet, ce sont des personnes qui peuvent être absentes mentalement et qui peuvent ne pas du tout réagir aux stimulations extérieures. Il nous à fallu nous faire à cette idée, et apprendre à nous réjouir de plus petites participations.
Certaines de nos idées étaient trop ambitieuses, comme les faire faire des activités à deux face à face, avec des consignes complexes, ou leur mettre dans les mains des instruments physiquement trop difficiles à manier. Souvent c’était les résident·es elleux même qui nous disaient que tel ou tel exercice était trop difficile, ne marcherait pas. Les écouter nous a évité de nous embourber plus dans des exercices inadaptés.

Les « qui ont fonctionné » :
Petit à petit, nous avons appris de nos erreurs, constaté que tel ou tel échauffement vocal marchait mieux qu’un autre, que tel type de pratique plaisait plus ou moins… Finalement, c’est en écoutant les personnes, leur refus, leur enthousiasme, leur propositions, que les choses se passaient de mieux en mieux : comme la fois où une résidente pour l’échauffement, s’est mise à chanter « quand la musique est bonne », et que nous avons mis la musique en fond ! Ambiance endiablée.
Certains exercices sur lesquels nous n’aurions pas parié ont également très bien marché, et nous ont amené à pouvoir jouer de la musique ensemble, nous (Delphine, Elise, Camille) à la mélodie, et elleux aux percussions diverses et variées (papiers cartons ondulés, baguettes…)

Moments et citations marquantes :

B : « on oublie qu’on est malade »
A : « ah non mais ça ça va être trop difficile !! »
X : “ eh bien vous jouez mieux du violon que de la flûte à bec, va falloir travailler hein !”

A la première séance, pendant l’échauffement physique, il se peut que Camille se soit un peu emballæ en dansant avec une résidente, en voulant la faire tourner sur la musique ; cest elle qui l’a arrêté, lui disant qu’il ne fallait pas qu’elle se fasse mal… C’était peut-être bien risqué, voir dangereux !!

Une autre chose qui nous a marqué et profondément touché.e.s était lors d’un retour de séance que nous faisions avec Véronique, où elle nous a racontait que nos interventions avait un impact positif sur les résident.e.s en dehors des séances - les personnes participant à nos ateliers n’avaient pas forcément l’occasion de se croiser autrement, surtout à cause des restrictions sanitaires récentes durant lesquelles l’isolement de chacun.e les obligeaient par exemple de ne même plus pouvoir prendre leurs repas ensemble. Ces ateliers permettaient donc aussi pour elleux de nouvelles rencontres entre résident.e.s, et donc de nouvelles amitiés.

Suite à ces interventions, quels apports pour l’équipe de l’Ehpad ? Et pour les résident.e.s ?

Pour l’équipe :
Grâce à nos interventions, Véronique nous était reconnaissante d’avoir elle-même de nouveaux outils pour les animations qu’elle organise très régulièrement. Ayant un bagage artistique plus proche des arts plastiques, nos atelier étaient pour elle une ouverture, et des moments où elle pouvait participer à des activités nouvelles, amusantes (en ayant toutefois une posture différente des résident·es).

Pour les résident.e.s :
Après un temps très long d’isolement, de confinement, ces ateliers ont permis aux personnes qui y participaient de se (re)rencontrer, d’échanger, et de vivre des moments uniques ensemble en dehors du cadre habituel des soins et des repas.

Qu’est-ce que cette expérience à transformé chez nous, dans notre manière de vivre notre métier en tant qu’artiste- musicien.ne, et/ou en tant qu’enseignant.e ?

On s’est rendu.e.s compte que le corps, l’esprit et ses capacités/incapacités sont des aspects très importants à prendre en compte lorsqu’on fait des interventions auprès de personnes âgées. Plus on écoute les personnes avec lesquelles on travaille, et plus on est juste dans les choses qu’on leur propose.

Ce n’est pas grave si on se trompe ! L’erreur permet de mieux s’adapter par la suite et est une clé essentielle dans notre apprentissage. Aussi, se méfier des stéréotypes que nous pouvons avoir des personnes âgées - nous avons été surpris.e.s plus d’une fois par leur énergie et leur investissement et adaptation aux activités que nous leur proposions (comme la fois par exemple, où une résidente voulait qu’on écoute “Quand la Musique est Bonne”, à fond !).

Nous avons pris beaucoup de plaisir à proposer ces interventions. En tant qu’artistes musicien.ne.s, on s’est rendu.e.s compte à quel point l’art est reçu avec une joie proportionnelle à la rareté de son accessibilité. Les personnes ont tendance à s'émerveiller et s’intéresser d’autant plus aux choses lorsqu’elles sortent de leur quotidien, les amènent ailleurs. Je pense aussi que l’art est une source de joie, et nous avons pu l’observer particulièrement lors de nos ateliers, et dans les retours que nous faisaient les résident·es.

Nous avons pu expérimenter des situations d’apprentissage face à un public dont on doit impérativement prendre en compte la santé physique et mentale. La contrainte des capacités de l’autre dans le cadre de dispositifs d’enseignement, ou de médiation culturelle, est quelque chose que nous ne souhaitons jamais oublier.

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