Qui est le chef?

Dans ce titre nous avons tenté de répondre à deux questions, qui concernent les deux mots-clef que nous avons étudié, à savoir "l'apprentissage par le groupe" et "la légitimité des pratiques".

Dans un "groupe pour apprendre", qui n'a donc pas de professeur ou tuteur pour la tâche à accomplir, qui est le chef? Celui ou ceux qui dirigent l'opération, ceux qui ont des notions sur le sujet, le hasard? Ou peut être aucun "chef" ne se dégage de cette situation?

Dans "Légitimité des pratiques", qui détermine ce qui est légitime ou non de faire? Les autorités, les coutumes, les habitudes, la logique? Qu'est ce qui crée le changement de ce qui est légitime? le temps, la mode, les révolutions?

Cette question a donc été le fil conducteur de notre recherche.

Notre 3ème mot-clef, objet également de recherche, est "Curiculum". Il se trouve moins présent à première vue dans les exemples ci-dessous, mais finalement il est quand même au coeur du sujet; le curriculum donne à chaque individu la légitimité ou non de ses pratiques, et est un facteur déterminant dans le groupe pour apprendre.

 

Les mots-clés en quelques mots

 

Curriculum

Quelques mots importants que l’on retrouve autour du terme curriculum: programme, contenus, enseignement, disciplines, processus d’apprentissage, formation, transmission, méthodes pédagogiques, évaluation, objectifs pédagogiques, organisation, cohérent, structuration, apprenant-élèves, compétences

Le curriculum est souvent associé à l’enseignement ou à la formation, aux compétences

Curriculum est souvent synonyme de programme. On fait des choix.

Définition personnelle et simplifiée

le curriculum est un document pédagogique élaboré de manière structuré et cohérente dans le but de développer des compétences ciblées chez l’apprenant.

Autre définition : quand on parle de curriculum, on pense en premier lieu au curriculum vitae, ensemble des indications concernant l’état civil, les diplômes et l’expérience professionnelle d’un candidat (à un poste). Ref. cnrtl

Le curriculum est dans le passé, ou dans l’avenir.

 

Le groupe pour apprendre

Quelques mots clés: échanger des informations, comprendre, entraide, soutien, communication, interaction, relation, coopérer, réaliser des tâches ensemble, expérience, initiatives, élèves, savoirs, niveau hétérogène, pratique sociale, socialisation, pouvoir du maitre, émulation, plaisir exalté, convivialité, apprendre à se positionner…

il existe une notion d’action dans le groupe pour apprendre (peut-être due au nombre), les élèves ne reçoivent pas un enseignement de façon passive, ils le construisent entre eux avec ou sans professeur, mais avec pour objectif d’acquérir des informations, des connaissances, des savoirs-faire communs ensemble.

Un professeur trouverait sa place par l’observation du groupe d’élèves en situation d’apprentissage ; il encadre, recadre les actions suivant les besoins. Il encourage les élèves à prendre la parole le plus souvent possible, pas seulement pour répondre à des questions, mais aussi pour discuter de la façon dont ils comprennent les consignes, partager et échanger des points de vue, des doutes, des difficultés...

Il existe une notion de socialisation; les élèves apprennent à trouver leur place, trouvent de la convivialité, échangent des points de vue, opinions. Leurs résultats sont souvent meilleurs que lorsqu’ils travaillent en solo. Le groupe est dynamisant.

Question : on apprend pas de la même façon, ni les mêmes choses en groupe. Peut on dire que certains choses à apprendre ne sont possible qu’en solo, ou qu’en groupe?

 

Ci-dessous le lien vers une vidéo de Claude-Henry JOUBERT, professeur de flûte, expliquant le groupe pour apprendre dans le cas de l'apprentissage musical.

 

https://www.youtube.com/watch?v=sgweoVgsw1A

Référence bibliographique : un extrait du livre «Enseigner la musique» de Claude-Henry JOUBERT, et plus particulièrement l’interview d’Arlette Biget, professeur de flûte au conservatoire d’Orléans, de la page 82 à la page 86. Ces deux outils résument comment elle a mis en place, de par ses expérimentations, ses tâtonnements, une pédagogie de groupe en regroupant des cours individuels d’élèves (3 élèves ensemble pour 1h 30 de cours au lieu de 30 minutes individuel). Les points importants : avoir le temps de donner une leçon, développer l’effort et l’investissement collectif des élèves, les responsabiliser, les stimuler.

 

Légitimité des pratiques

Quelques mots-clés : qualité de ce qui est juste, pouvoir, domination, avoir le droit de, droit naturel, justification, normal, naturel, compréhensible, raison, morale, équité, conformité, remise en question, expérience, catégories sociales, facteurs sociaux, socialisation, jugement, goût, choix, mode, cadre, comportement, théorie,savoirs, culture, action, activité, évolution, individu

Questions : d’où viennent les pratiques, quelles sont-elles, qui organise les pratiques pour qu’elles soient adoptées, validées par le plus grand nombre, légitimes pour qui?

Les pratiques proposées sont validées par tous les acteurs, ou peut-être imposées?

Les pratiques et leur légitimité se transforment, évolue avec le temps et la société

Importance du verbe imposer Faire connaître, reconnaître, accepter son autorité, sa volonté, ses idées, sa valeur

 

Dans l’ensemble des activités humaines, certaines sont mises en valeur et servent de modèle auquel aspire (ou doit aspirer) toute une société. La légitimité des pratiques classe les individus d’une société; certaines catégories de personnes ont le droit d’accéder à ces activités, d’autres non (exemple du golf).

Elle met en évidence une image des canons (modèles idéals auxquels il faut se conformer) de la société à un moment donné; elle est multiple et en constante évolution. Dictée par les catégories sociales supérieures, elle s’est peu à peu transformée et devient de plus en plus morcelée, trouvant du sens pour chaque individu.

Exemple des musiques actuelles, musique d’autodidactes par excellence, qui sont entrées dans les structures de l’enseignement musical. 

Ci-dessous le lien vers un site axé sur la composition au Moyen-âge, où l'Eglise déterminait ce qui était ou non autorisé en musique!! Cela semble invraissemblable, mais c'est exactement le même procédé de cloisonnement qui a fait que les disciplines de musique "non classiques" ont eu du mal à être reconnues dans les conservatoires.

http://www.slate.fr/story/114879/umberto-eco-moyen-age-musique

 

Mise en place de notre recherche

Nous avons cherché à comprendre comment fonctionne un groupe pour apprendre, et comment des individus se réunissent autour d’une même activité qui a du sens pour eux.

En tant que professeurs de musique, et surtout professeurs d’instrument, nous sommes souvent en situation de cours individuel, moment de face à face avec nos élèves. L’apprentissage technique de l’instrument favorise cette mise en scène, mais ne représente qu’un aspect des connaissances à acquérir pour jouer de la musique.

Apprendre en groupe permet d’ouvrir d’autres horizons et de développer d’autres compétences musicales. Mais qu’entend on par « groupe pour apprendre » ? Et comment se développe une pratique jusqu’à faire sens pour tous ? Comment une pratique et ses éléments constitutifs peuvent faire l’unanimité dans un groupe ?

 

Le groupe pour apprendre

Il existe une notion d’action dans le groupe pour apprendre (peut-être due au nombre), les élèves ne reçoivent pas un enseignement de façon passive, ils le construisent entre eux avec ou sans professeur, mais avec pour objectif d’acquérir des informations, des connaissances, des savoirs-faire communs ensemble.

Un professeur trouverait sa place par l’observation du groupe d’élèves en situation d’apprentissage ; il encadre, recadre les actions suivant les besoins. Il encourage les élèves à prendre la parole le plus souvent possible, pas seulement pour répondre à des questions, mais aussi pour discuter de la façon dont ils comprennent les consignes, partager et échanger des points de vue, des doutes, des difficultés...

Il se dégage une notion de socialisation; les élèves apprennent à trouver leur place, trouvent de la convivialité, échangent des points de vue, des opinions. Leurs résultats sont souvent meilleurs que lorsqu’ils travaillent en solo. Le groupe est dynamisant.

Question : on apprend pas de la même façon, ni les mêmes choses en groupe. Peut on dire que certains choses à apprendre ne sont possible qu’en cours individuel, ou qu’en groupe?

 

La légitimité des pratiques

Pour réaliser un apprentissage, il faut qu’il y ait un sujet à étudier, un savoir ou un savoir-faire à acquérir, une pratique. C’est cette pratique commune qui va rassembler des individus autour d’une passion commune, et constituer un groupe. Le groupe se dit couramment d'un ensemble de choses ou de personnes réunies dans un même lieu, de personnes ayant un point commun, (opinions, goûts,...) cf dictionnaire historique de la langue française, p 1654.

La pratique pour notre sujet se définit par l’activité musicale et instrumentale.

A partir de là, nous nous sommes posé quelques question sur la légitimité d’une pratique :

La légitimité d’une pratique trouve t-elle naissance dans ou par le groupe ?

Comment un groupe peut-elle rendre une pratique légitime ?

Qu’apporte la transgression des règles dans une pratique ?

Notre définition de la notion de légitimité des pratiques est la suivante : dans l’ensemble des activités humaines, certaines sont mises en valeur et servent de modèle auquel aspire (ou doit aspirer) toute une société. La légitimité des pratiques classe les individus d’une société; certaines catégories de personnes ont le droit d’accéder à ces activités, d’autres non. Elle met en évidence une image des canons (modèles idéals auxquels il faut se conformer) de la société à un moment donné; elle est multiple et en constante évolution.

Dictée par les catégories sociales supérieures, elle s’est peu à peu transformée et devient de plus en plus morcelée, trouvant du sens pour chaque individu.

 

Pour apporter un élément de réponse, et après avoir trituré ces deux notions dans tous les sens, nous avons préparé un séminaire autour de deux pôles ; le premier s‘appuie sur une vidéo d’une série TV, Kaamelot (l’épisode de la quinte juste), et le second sur un atelier que nous avons mis en place avec des étudiants (cf descriptif des deux activités).

 

« Qui c’est l’chef ?»

 

1)Analyse de l’épisode de Kaamelott de la quinte juste.

Cette vidéo n'étant plus en circulation libre sur le net, vous la trouverez en DVD dans la saison 2, épisode 48.

Lien vers le dialogue original:

https://www.partitionsdechansons.com/blog/kaamelott-la-quinte-juste.html

 

Personnages à l’œuvre :

-Arthur, le roi

-Père Blaise : le prêtre

-Bohort, un chevalier de la table ronde, amateur de musique

Première analyse : la disposition des personnages

Autours de la table ronde, le prêtre fait face à Arthur et Bohort. C’est donc lui qui préside, et qui a probablement convoqué les deux autres, afin de régler ce qu’il considère être le problème des intervalles non-justes. Il se sent légitime pour imposer son point de vue aux deux autres, ainsi qu’à toute l’ile de Bretagne, voir tout le royaume de L’Ogre.

De par son cursus musical de prêtre, il considère que tous les intervalles non justes (secondes, tierces, sixtes, septième, quinte bémol) sont des « intervalles païens », et leur utilisation passible de punition par le Pape en personne (« le prochain que je chope en train de siffler un intervalle païen, je fais un rapport au pape »).

Bohort et Arthur, quant à eux, supportent très bien les autres intervalles (« tierces, renversements de tierces », «on passe très rapidement sur  une petite sixte, et c’est joli », et même « un petit intervalle diminué de temps en temps »). Ils sont dans le même camp, de l’ouverture harmonique, et font front au père Blaise.

(blaise prof)

Deuxième analyse : les attitudes actives/ passives

Arthur est roi de Bretagne, car les romains, et les Dieux (par Excalibur ) l’ont choisis. Cependant, dans cet épisode, il n’incarne pas vraiment l’autorité de sa fonction, et n’a pas les égards dus à son rang, en se faisant ordonner de chanter, bien que pour lui, ce n’est pas bien « l’heure pour taper la chansonnette », et n’en a « pas grand-chose à carrer ». Il expose une attitude franchement peu enjouée, laconique, se fait couper la parole.

Bohort’ et père Blaise, quant à eux, sont forces de proposition, s’engagent pleinement dans le débat, s’impliquent, impose (pour le prêtre) et suggère (pour Bohort) des essais de chants, de variations. Ils ont donc des attitudes de chefs, représentants chacun un camp.

 

Troisième analyse : les forces en présence absentes

 

Tout au long de la série Kaamelott (à plus forte raison dans le livre 6), Arthur est lié tacitement (un peu malgré lui) à Rome, par l’éducation militaire qu’il a suivi dans l’empire de César, de 6 à 20 ans. Ainsi, par son curiculum, il n’incarne pas seulement la Bretagne. Le Peuple et le sénat romain ( SPQR) sont gravés sous son pied, et il est potentiellement affilié à la puissance romaine.

 

 Père Blaise évoque le Pape dans l’épisode, symbole vivant de la chrétienté naissante, dont il est le représentant sur le sol Breton. On imagine la puissance d’influence culturelle de l’Eglise.

Bohort, artiste, esthète au caractère sensible, incarne dans l’épisode le gout populaire pour les mélodies, les chansons.

 

 

 

 Qui c’est le chef ?

 

 

2)Analyse de l'atelier du groupe pour apprendre

 

La légitimité d’une pratique trouve t’elle naissance par le groupe ?

 

Comment un groupe peut-elle rendre une pratique légitime ?

 

Qu’apporte la transgression des règles dans une pratique ?

 

 

Le dispositif:

Deux groupes ont pour but d’apprendre un chant à partir d’une partition écrite en neumes et pouvoir en chanter une partie.

Une fiche technique sur l’interprétation des neumes a été distribuée aux deux groupes.

Le premier groupe a été dirigé par un professeur désigné par nos soins, qui avait les documents relatifs aux neumes quelques jours avant et avait donc comme consigne de préparer un cours. Ce dernier venant des musiques actuelles, n’avait aucune connaissance des neumes. Sa légitimité ne repose pas sur ses connaissances mais juste sur sa position de professeur désigné.

Le deuxième groupe était libre de s’organiser comme il le voulait et disposait des mêmes fiches techniques et consignes que le professeur du premier groupe.

 

Nous avons voulu observer par ces deux situations, comment se joue l’acquisition d’un savoir par le groupe et si la connaissance Dans une situation le savoir est inculqué par une personne qui a un background sur ce savoir en question et une position de « savant » (maître, professeur) et qui va le partager au reste du groupe. Donc une position de professeur à élèves.

Dans l’autre situation le savoir s’acquiert par le groupe de personnes utilisant leurs connaissances personnelles et leurs capacités à trouver leurs rôles.

Il apparait que ceux ayant plus de savoir n’ont pas forcement pris la direction.

 

Le groupe avec professeur

Nous voulions observer si la légitimité du professeur allait être reconnue ou contestée et si lui-même se sentirait légitime d’imposer sa vision, ses règles et sa méthode au groupe.

Il en est ressorti que le groupe a suivi ses directives sans remettre son rôle en doute. Nous avons observé deux phases dans le déroulé de l’expérience, un cours magistral dans lequel le professeur explique les règles à suivre pour la compréhension de l’écriture des neumes, puis une apparition de force de propositions des élèves à propos du travail d’interprétation, dont le professeur choisi de tirer parti. Il reste référent et dernier décideur.

 

Le groupe sans professeur

Nous avions l’intention de constater les émergences de leadership au sein du groupe et si elles avaient un lien avec le savoir des protagonistes.

Dans les faits, ce ne sont pas ceux qui en savaient plus sur les neumes qui ont pris les rennes.

Les interactions ont plus tenues aux personnalités et aux priorités de chacun.

Dans une première phase chacun cherchait sa place dans le groupe. Et un long débat a eu lieu sur la compréhension des consignes, sur la méthode à suivre. Par la suite il se trouve que ceux étant le plus formé se sont effacés face à des caractères plus engagés dans une démarche d’efficacité, tout en intégrant les idées de chacun pour interpréter ensemble l’œuvre au plus proche des représentation qu’ils se faisaient de l’œuvre.

 

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